Planète rouge En direct de Mars, un panorama à 360° et le son d’un courant d’air

Le rover américain Perseverance a pris 142 photos pour reconstituer en HD le paysage du cratère Jezero, où il a atterri jeudi dernier. Un micro installé sur le robot a aussi permis d’écouter le tout premier son venu d’un autre planète : un coup de vent.

Clic clac, clic clac. Depuis son arrivée sur Mars jeudi dernier, Perseverance mitraille avec toute sa panoplie d’appareils photo – plus de 5 600 images brutes ont déjà été envoyées sur Terre et publiées sur les serveurs de la Nasa. Il y a des zooms sur certains «organes» du robot pour vérifier qu’ils n’ont pas souffert de l’atterrissage, des paysages, des gros plans sur les cailloux du coin… Et puis, reconstitués à partir de plusieurs prises de vue en couleur, deux panoramas à 360° pour apprécier le cratère Jezero comme si on y était.

Le premier est pris par les caméras de navigation du rover, les Navcams. Depuis la tête du rover où elles sont installées, leur job est de photographier l’environnement en grand-angle pour repérer les lieux et guider le rover lors de ses déplacements, surtout dans ses phases autonomes. Le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa a fait une version interactive de ce premier panorama pour qu’on puisse se déplacer dans l’image à la souris. Mais la résolution de l’image (un collage de six photos) n’est pas au top.

Panorama à 360° du site d’atterrissage de Perseverance. Sur ordinateur, faire glisser l’image avec la souris pour admirer tout le paysage.

Ce mercredi est arrivé un deuxième panorama, pris par les MastCam-Z. Ça ne rigole plus : ces objectifs-là sont les meilleurs du rover. Eux aussi situés sur la tête de Perseverance et écartés de 24 centimètres l’un de l’autre, ils prennent des images en très haute définition et sont capables de zoomer sur les détails les plus intéressants. Ils peuvent enregistrer des vidéos HD, produire des panoramas couleur et des vues en 3D de la surface pour mieux apprécier le relief. Les scientifiques sur Terre se serviront entre autres de leurs images pour étudier la géologie de l’environnement, choisir les meilleurs sites pour prélever des échantillons…

Dans le panorama pris jeudi, qui assemble pas moins de 142 photos et montre le site d’atterrissage de Perseverance, les chercheurs de l’équipe ont déjà repéré mille détails : des rochers plats qui affleurent à peine, des cailloux parsemés de quelques millimètres… Et tout à gauche de l’image, un rocher poli et sculpté par le vent.

Zoom sur un rocher sculpté par le vent dans le cratère martien Jezero, dans le premier panorama HD du rover Perseverance.

Et tout au loin, si on zoome sur les silhouettes montagneuses floues qui se détachent dans l’horizon cuivré, on distingue les bords du cratère Jezero. Perseverance les franchira un jour, en remontant la pente par le delta de l’ancien fleuve qui coulait là, il y a plusieurs milliards d’années.

Il est aussi fascinant de zoomer sur le corps du robot lui-même. On voit son dos blanc constellé de poussière noire et de grains de roche soulevés par les rétrofusées du vaisseau à l’atterrissage. On voit les repères noirs et blancs qui servent de points de référence pour mesurer le robot, et les cibles de calibration avec des couleurs primaires pour étalonner les photos. Et même un portrait de famille où sont imprimées les silhouettes de tous les rovers martiens à la queue leu leu : le petit Sojourner, les jumeaux Spirit et Opportunity, puis le grand Curiosity et le dernier arrivé, Perseverance, accompagné de son hélicoptère Ingenuity.

Le bruit du vent martien

On l’attendait avec impatience depuis des années : le premier son officiellement enregistré sur une autre planète. La Nasa avait déjà tenté sa chance plusieurs fois : un petit micro de 50 grammes était installé sur l’atterrisseur Mars Polar Lander, mais l’engin s’est crashé en 1999 sur la planète rouge. Puis la sonde Phoenix est partie en 2007, mais l’un de ses instruments a dysfonctionné et la Nasa a décidé par sécurité de ne pas allumer le micro. Cette fois, c’est la bonne. Perseverance, le rover gros comme une voiture, emporte avec lui deux microphones pour être sûr de ne rien louper.

L’un est monté dans la tête du rover et servira particulièrement à écouter le son du rayon laser tiré par l’instrument SuperCam – l’œil du rover. Le tir laser produit un «pop» le temps de quelques millisecondes, et l’analyse sonore de ce son apportera aux scientifiques des informations sur la masse, la composition et la densité de la roche visée par le laser. Ce micro pourra aussi écouter les sons du rover ou ceux venus de l’extérieur pendant 3,5 minutes au maximum.

Quels sons va-t-on entendre sur Mars ?

L’autre micro est posé sur le flanc du robot, et devait commencer par enregistrer le son de l’atterrissage. Ça n’a pas donné grand-chose : il «n’a pas collecté de données utilisables» durant la descente, rapporte la Nasa. Mais il est tout de même opérationnel et, nous a régalés d’un échantillon d’environnement sonore martien de 60 secondes. L’agence spatiale américaine en a extrait les 18 meilleures secondes, durant lesquelles on entend souffler un coup de vent martien dans le cratère Jezero…

Deux versions de l’audio ont été publiées : l’une «brute», incluant le son mécanique et strident émis par le rover lui-même, et l’autre nettoyée pour mieux profiter du vent.

Deux jours après la publication de ces sons, une artiste new-yorkaise les avait déjà transformés… en chanson. «Le Dr Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la Nasa, a ditQui va composer le premier morceau de musique avec du son martien? Alors je l’ai fait», raconte Foxanne, qui est aussi vulgarisatrice scientifique et passionnée d’espace.

Rappelons au passage que Perseverance s’est un peu fait griller la priorité du son martien en 2018, par l’atterrisseur américain InSight. Conçue pour capter les séismes martiens, la plateforme n’est pas équipée d’un vrai microphone. Mais le sismomètre d’InSight a capté quelques vibrations quand un coup de vent a fait trembler les panneaux solaires. «L’enregistrement de ces vibrations est dans le champ auditif humain», expliquait la Nasa. Alors elle l’a publié, pour que le monde entier puisse en profiter avec un bon casque. C’était une surprise inattendue.

@liberation.fr

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