Hongkong : arrestation de la militante Agnes Chow et du patron de presse contestataire Jimmy Lai

Deux des principales figures du mouvement prodémocratie ont été arrêtés en vertu de la nouvelle loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, le mois dernier.

Ils se savaient en sursis. Le magnat hongkongais de la presse Jimmy Lai et la figure de proue du mouvement pour la démocratie Agnes Chow, ont été arrêtés, lundi 10 août, au nom de la loi controversée sur la sécurité nationale imposée par Pékin, une nouvelle étape dans la reprise en main musclée de cette ex-colonie britannique.

Le richissime septuagénaire a été interpellé chez lui vers 7 heures (1 heure à Paris), a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) Mark Simon, un de ses proches collaborateurs, précisant que d’autres membres de son groupe de presse avaient eux aussi été arrêtés. La Chine a officiellement salué son arrestation.

La militante Agnes Chow a été appréhendée en application de cette même loi sur la sécurité nationale, a annoncé une source policière. « Il est maintenant confirmé qu’Agnes Chow a été arrêtée pour ’incitation à la sécession’ en vertu de la loi sur la sécurité nationale », peut-on lire en outre sur le compte Facebook de cette militante connue. Elle faisait partie, avec Joshua Wong et Nathan Law, du trio d’anciens étudiants dirigeant le parti pro-démocratie Demosisto, désormais dissous.

Au total, selon cette source policière, dix personnes ont été interpellées lundi. Parmi elles figurent également deux des fils de M. Lai et Wilson Li, qui affirme être un vidéaste freelance travaillant pour la chaîne de télévision britannique ITV News.

Agnes Chow lors de son arrestation, à HongKong, le 10 août 2020. TYRONE SIU / REUTERS

Dans un communiqué, la police a fait état plus tôt de sept arrestations pour des soupçons de collusion avec des forces étrangères – une des infractions visées par la loi sur la sécurité nationale qui a été imposée fin juin par Pékin – et de fraude.

Considérée comme une réponse de Pékin aux mois de manifestations prodémocratie qui avaient ébranlé le territoire en 2019, la loi donne aux autorités de nouveaux pouvoirs pour réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l’Etat : la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures. Nombre de militants prodémocratie dénoncent un texte liberticide qui vient en finir avec le principe « Un pays, deux systèmes » qui avait présidé à la rétrocession en 1997 et garantissait théoriquement aux Hongkongais, jusqu’en 2047, des libertés inconnues dans le reste de la Chine.

Déjà arrêté en février

Jimmy Lai, 72 ans, est le patron de Next Digital, qui compte notamment le quotidien Apple Daily et le magazine Next, deux titres ouvertement prodémocratie et critiques de Pékin. Il a déjà été arrêté en février pour avoir participé à une marche non autorisée quelques mois auparavant.

En fin de matinée, des dizaines de policiers se sont présentés au siège du groupe de presse, sur une zone industrielle du quartier de Lohas Park (sud-est). Des journalistes d’Apple Daily ont diffusé en direct sur Facebook les images de cette perquisition. « Vous imaginez la même chose dans les rédactions du New York Times ou du Guardian ? » s’est insurgé l’activiste Joshua Wong sur Twitter.

Sur les images, le rédacteur en chef du quotidien, Law Wai-kwong, apparaît en train de demander aux policiers leur mandat. « Dites à vos collègues de ne rien toucher avant que nos avocats ne vérifient le mandat », leur intime M. Law. Les policiers ont ordonné aux journalistes de se lever et de s’aligner pour des vérifications d’identité, alors que d’autres fouillaient la salle de rédaction, et M. Lai a été amené sur les lieux. M. Simon a précisé sur Twitter que des perquisitions avaient aussi eu lieu au domicile du magnat et à celui de son fils.

Un « traître » pour Pékin

Pour beaucoup de Hongkongais engagés dans la mouvance prodémocratie, M. Lai est un héros, un patron de tabloïd qui a bâti sa fortune seul, et le seul patron de presse hongkongais qui tienne tête au pouvoir central chinois.

Mais dans les médias officiels chinois, il est dénoncé comme un « traître », un inspirateur des immenses manifestations prodémocratie qui ont eu lieu à Hongkong et le chef d’un groupe de personnalités accusées de conspirer avec des nations étrangères pour nuire à la Chine. Les accusations de collusion avec une puissance étrangère ont redoublé l’an passé, quand M. Lai a rencontré le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, et le vice-président, Mike Pence.

A la mi-juin, deux semaines avant l’imposition de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, Jimmy Lai déclarait à l’AFP qu’il s’attendait à être arrêté. « Je suis prêt à aller en prison, disait-il. Si cela arrive, j’aurai l’opportunité de lire des livres que je n’ai pas encore lus. La seule chose que je puisse faire est d’être positif. » Il décrivait alors la nouvelle loi comme « le glas pour Hongkong »« Elle va remplacer notre régime légal et détruire notre statut financier international », disait-il.

Les autorités chinoises et hongkongaises ont affirmé que ce texte controversé n’aurait aucun impact sur les libertés dans le territoire semi-autonome et ne visait qu’une minorité de personnes. Les semaines qui ont suivi son adoption ont cependant confirmé une crispation brutale à Hongkong, avec une répression accrue contre les membres du mouvement pour la démocratie.

Après une décision similaire de Washington, Pékin sanctionne onze responsables américains

Les autorités chinoises ont annoncé, lundi 10 août, la mise en place de sanctions à l’encontre de onze responsables américains, dont les sénateurs républicains de Floride, Marco Rubio, et du Texas, Ted Cruz.

Selon un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, les personnes visées « se sont mal comportées sur les questions liées à Hongkong ». Il a, par ailleurs, ajouté que le directeur exécutif de l’association de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, Kenneth Roth, était également ciblé par ces sanctions, de même que les responsables des organisations Fondation nationale pour la démocratie, International Republican Institute et le centre de réflexion National Democratic Institute for International Affairs. M. Zhao Lijian n’a pas précisé la nature de ces sanctions.

Cette décision de Pékin fait suite à des mesures similaires prises par les Etats-Unis, vendredi 7 août, contre onze personnalités politiques de Chine continentale et de Hongkong, dont la chef de l’exécutif local, Carrie Lam. Elles sont accusées de chercher à restreindre l’autonomie du territoire ainsi que « la liberté d’expression ou de rassemblement » de ses habitants.

@ Le Monde avec AFP

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