Le Parti communiste chinois se renouvelle avec du vieux

Alors que Xi Jinping a été reconduit sans surprise à la tête du parti, le nouveau comité permanent du bureau politique du PCC ne comprend que des sexagénaires, trop âgés prendre sa succession lors du prochain congrès en 2022.

Cinq hommes en costume sombre avec des cheveux noirs tirant sur le gris. Et surtout, aucun «dauphin» parmi eux pour succéder, en 2022, à l’homme fort qui gouverne la Chine depuis cinq ans. Le président Xi Jinping a révélé, ce mercredi à Pékin, la composition du nouveau Comité permanent : cinq nouveaux dirigeants, tous sexagénaires comme lui et donc a priori trop âgés pour prendre sa relève dans cinq ans, l’ont rejoint aujourd’hui dans le plus haut cénacle du pouvoir chinois.

Souriant et décontracté, debout derrière un pupitre face à des journalistes chinois et étrangers triés sur le volet, le maître de la Chine a cité un à un les cinq «camarades» de sa nouvelle garde rapprochée, sans les présenter davantage, lors d’une brève «conférence de presse» de 30 minutes suivie par le monde entier et où aucune question n’a pu être posée.

Comme prévu, Li Zhanshu, Wang Yang, Wang Huning, Zhao Leji et Han Zheng sont donc entrés dans ce «cockpit» à 7 places, le «saint des saints» du régime chinois, où siégeaient déjà Xi Jinping et son Premier ministre, Li Keqiang. Ce dernier a bien maintenu son rang et reste donc numéro deux. Sans surprise, le numéro un, Xi Jinping, de son côté, a été «réélu» secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC).

Cinquième génération

Ces cinq nouveaux mandarins ont deux points communs. Tous avaient rejoint le Comité central, le premier noyau dur du PCC, en 2002. Dix ans plus tard, en 2012, quatre d’entre eux avaient été promus à l’échelon supérieur, le bureau politique (25 places) – seul Wang Yang en effet y siégeait déjà. Par ailleurs, comme Xi Jinping et son Premier ministre, tous sont nés dans les années 50. Ces sexagénaires appartiennent de ce fait à la «cinquième génération» des dirigeants chinois (Mao était de la première).

En ne nommant aucun représentant de la «sixième génération» dans sa nouvelle équipe, Xi Jinping ne met en avant aucun leader, plus jeune, pouvant lui succéder à la fin de son deuxième «quinquennat», en 2022.

«Sans successeur apparent, ayant son nom inscrit dans la constitution du parti […] et étant enfin le seul dirigeant à bénéficier d’une véritable popularité, Xi n’a aucun rival et son règne s’étendra sans doute au-delà de son second mandat», estime Nicholas Bequelin, directeur Asie chez Amnesty International à Hongkong et spécialiste de la politique chinoise.

Revanche

«Xi veut garder ses options ouvertes pour l’avenir. Il ne veut pas être dérangé par un successeur désigné», explique pour sa part Jean-Pierre Cabestan, politologue à l’université baptiste de Hongkong. Pour cela, Xi Jinping n’a pas joué que sur son âge : il s’est également entouré d’une équipe de fidèles. Proche parmi les proches, Li Zhanshu (67 ans) est le doyen du cockpit : promu à la troisième place, c’est un allié de longue date de Xi Jinping.

Les deux hommes, qui ont commencé ensemble leur carrière au Hebei, la province autour de Pékin, au début des années 80, se connaissent en effet depuis plus de trente ans. Sa promotion en réalité n’est pas une surprise, puisque Li Zhanshu avait déjà commencé à accompagner Xi Jinping lors de ses nombreuses tournées à l’étranger. Poutine, par exemple, l’a rencontré déjà deux fois, en 2015, puis à nouveau cette année.

Juste après lui, Wang Yang, à la quatrième place, peut savourer sa revanche. Cet homme de 62 ans, «découvert» par Deng Xiaoping en 1992, avait en effet échoué en 2012 à être élevé au comité permanent, alors qu’il était pourtant depuis cinq ans au bureau politique, juste un cran en dessous. Numéro 5, le francophone Wang Huning est un ancien professeur d’université : certains le surnomment le «Kissinger chinois».

Benjamin du groupe, Zhao Leji (60 ans) était jusqu’à présent le chef du département de l’Organisation du PCC, poste clé puisqu’il avait un droit de regard sur les nominations de 4 000 postes dans le Parti, l’armée, les sociétés d’Etat. Enfin, Han Zheng, à la septième et dernière place, a fait toute sa carrière à Shanghai.

Maire de la ville entre 2003 et 2012, son patron à un moment n’était autre que Xi Jinping lui-même. En 2007, le futur président chinois était en effet le secrétaire du PCC à Shanghai. C’était juste avant son grand retour à Pékin, où il règne aujourd’hui sans partage.

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