Trump et la Russie : les démocrates demandent une enquête indépendante

Le ministre de la justice américain, Jeff Sessions, a finalement reconnu mercredi avoir rencontré en 2016 l’ambassadeur russe à Washington, ce qu’il avait d’abord nié sous serment.
Le ministre de la justice américain, Jeff Sessions, a plié sans rompre, jeudi 2 mars. Accusé d’avoir menti lors de déclarations faites sous serment au cours de son audition au Sénat préalable à sa confirmation, l’attorney général des Etats-Unis a indiqué qu’il se récuserait dans toute enquête « existante ou future » liée à la campagne présidentielle. La supervision d’une éventuelle enquête reviendra à son adjoint, Dana Boente, nommé par le président Donald Trump.

La veille, le Washington Post avait révélé que M. Sessions avait rencontré à deux reprises au cours de l’année écoulée l’ambassadeur russe à Washington, Sergueï Kislyak. Une première fois en marge de la convention d’investiture de Cleveland (Ohio), en juillet 2016, puis en septembre à Washington, dans son bureau du Sénat. Alors que la campagne présidentielle avait été marquée par des accusations d’interférences russes, M. Sessions, interrogé à ce sujet par un élu démocrate, avait assuré ne connaître « aucune de ces activités ».

« J’ai été appelé pour aider une fois ou deux dans cette campagne et je n’ai pas eu de communication avec les Russes », avait alors ajouté le sénateur républicain de l’Alabama, qui avait fait la même réponse à une question écrite similaire. Une déclaration problématique à plus d’un titre.

Une certaine fébrilité à la Maison BlancheSessions a dû reconnaître mercredi avoir bien rencontré M. Kislyak. Premier sénateur à rejoindre M. Trump, il avait eu de ce fait un rôle important dans la campagne, notamment à propos du programme du milliardaire. Son ancien responsable de la communication, Stephen Miller, est d’ailleurs aujourd’hui le conseiller politique du président.

Les dénégations de M. Sessions comme celles de la Maison Blanche ont témoigné d’une certaine fébrilité. Sa porte-parole a tout d’abord affirmé que les deux hommes n’avaient pas parlé de la campagne lors de la visite au Sénat pendant que d’autres sources du département de la justice assuraient que M. Sessions n’avait plus le souvenir du contenu de la discussion. De leur côté, des sources de la Maison Blanche ont indiqué à la chaîne CNBC que la campagne avait été abordée, mais de manière « superficielle ».

Alors que les demandes de démissions venues du camp démocrate se multipliaient, M. Trump a apporté dans la journée de jeudi un soutien « total » à son attorney général, souscrivant à sa thèse d’une rencontre uniquement motivée par l’appartenance de M. Sessions, alors à la commission des forces armées du Sénat.

Le trouble a cependant été suffisant pour que le responsable de la justice, à l’invitation de membres de son propre parti, annonce qu’il ne s’impliquerait dans aucune enquête relative à la campagne pour éviter les accusations de conflit d’intérêt. Une option que la Maison Blanche avait pourtant écartée quelques heures plus tôt.

Trump dénonce une « chasse aux sorcières »

Reste à savoir si la concession de M. Sessions mettra un terme aux interrogations. Pour le camp démocrate, qui voit dans le dossier russe une arme potentielle contre la nouvelle administration, l’objectif est désormais la création d’une commission d’enquête ad hoc, ou la nomination d’un procureur spécial. Dans la soirée, M. Trump a dénoncé sur son compte Twitter un acharnement relevant de la « chasse aux sorcières » et visant à masquer la défaite de novembre 2016.

Pour l’instant, les républicains refusent ces perspectives, et pour cause. Ils contrôlent en effet les deux commissions du renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants. La première est présidée par le sénateur de Caroline du Nord Richard Burr, fervent supporteur de M. Trump pendant la campagne, et la seconde par l’élu de Californie Devin Nunes, qui s’est montré jusqu’à présent plus enclin à identifier les sources à l’origine des révélations de la presse concernant le dossier russe.

D’autres révélations dans la presse

Deux nouvelles se sont ajoutées à une liste déjà longue, jeudi. Le quotidien USA Today a fait état d’autres rencontres de membres de l’équipe de campagne républicaine avec l’ambassadeur russe à Cleveland.

Le New York Times, pour sa part, a indiqué que le gendre du président, Jared Kushner, devenu l’un de ses principaux conseillers à la Maison Blanche, avait rencontré également le diplomate à la Trump Tower en compagnie du premier conseiller à la sécurité nationale de la nouvelle administration, l’ancien général Michael Flynn. Ce dernier a été acculé à la démission pour avoir menti au vice-président sur le contenu de conversations avec le décidément incontournable ambassadeur.

La multiplication de ces contacts aurait pu relever de la routine si le régime russe n’avait pas été accusé par le renseignement américain d’avoir voulu peser sur la campagne. Une donnée admise par le président après des semaines de dénégations, et qui jette une suspicion que son administration ne parvient pas à dissiper.

Source lemonde.fr