Zambie: le nouveau président Hakainde Hichilema face aux défis économiques

Crédité de plus de 2,8 millions des voix selon les résultats définitifs du premier tour, Hakainde Hichilema a été élu 7e président de la République de Zambie. Les Zambiens ont porté leurs voix sur cet homme d’affaires, surnommé « HH », en grande partie pour sa promesse de redresser l’économie. Désormais, le nouveau chef d’État va devoir répondre aux attentes des électeurs.

« Cette élection était un référendum sur l’économie », déclare à RFI, Nicole Beardsworth, professeur de politique à l’université de Witwatersrand en Afrique du Sud. La Zambie, pays d’Afrique australe de 17 millions d’habitants, fait face à une situation économique compliquée. 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale, et a du mal à joindre les deux bouts.

« Les électeurs qui attendaient dans des files d’attente aux bureaux de vote disaient qu’ils ne pouvaient même pas se marier, car les hommes n’avaient pas d’argent pour payer la dot. Donc, des jeunes femmes avec qui j’ai parlé disaient qu’elles votaient pour Hakainde Hichilema afin de trouver un mari », raconte l’experte, qui a passé cinq semaines à Lusaka à codiriger un réseau de recherche autour de l’élection présidentielle.

Attendu au tournant

Si la victoire de Hichilema, surnommé « HH », a été accompagnée de scènes de liesse à Lusaka et d’un concert de louanges des dirigeants africains, Beardsworth craint que les attentes ne soient trop grandes.

« Les Zambiens ont mis toute leur confiance en lui pour redresser l’économie, et rapidement. Cela pourrait être un piège, estime la spécialiste. Je crains que le poids de ces attentes ne pèse lourdement sur ses épaules. » Hakainde Hichilema va devoir très vite s’atteler à plusieurs chantiers prioritaires pour réformer la Zambie, en priorité résorber la dette.

La Zambie, deuxième plus grand producteur de cuivre d’Afrique, doit plus de 12 milliards de dollars à des créanciers étrangers. Fin 2020, elle est devenue le premier pays à entrer en défaut de paiement sur les intérêts de sa dette. Environ un tiers de cette dette est due à la Chine.

Durant la campagne, Hakainde Hichilema avait reproché à son rival d’avoir trop misé sur les infrastructures et de n’avoir pas assez investi dans la productivité. Les sociétés chinoises ont contribué à plus de 80% aux projets de construction zambiens, alors que l’inflation galopait.

Le président zambien Edgar Chagwa Lungu et le président chinois Xi Jinping à Pékin le 30 mars 2015. © Feng Li/AP

Négociations avec le FMI

L’opacité de ces transactions avec la Chine avait refroidi le Fonds monétaire international, qui durant la campagne présidentielle, avait mis en pause ses négociations avec la Zambie pour renégocier un prêt d’urgence.

« La nouvelle administration va devoir se montrer beaucoup plus transparente que la précédente, en expliquant à quoi ressemble cette dette et comment elle compte la rembourser » explique Nicole Beardsworth.

Pour l’heure, le FMI a prévu d’allouer des crédits spéciaux de virement à la Zambie d’ici à la fin du mois, lui permettant d’emprunter et d’acheter sans s’endetter davantage.

La hausse du prix du cuivre, soutenue en partie par l’essor des voitures électriques, devrait également profiter à la nouvelle administration selon les analystes. « L’aide du FMI, notamment pour atténuer les effets de la pandémie, donnera à Hichilema une certaine marge de manœuvre », ajoute Beardsworth, tout en reconnaissant que cette marge ne durera pas éternellement.

Droits politiques

Autre dossier sur lequel Hakainde Hichilema est très attendu : la question des libertés publiques.

Arrêté une quinzaine de fois depuis qu’il fait de la politique, Hichilema a promis lundi une « meilleure démocratie » et le respect des droits de l’homme.

« L’une des choses les plus impressionnantes de son discours a été sa promesse de supprimer les «cadres» [« bras armés » des deux grands partis du pays ndlr] de tous les aspects de la vie zambienne » explique pour sa part Nic Cheeseman, professeur, spécialiste des démocraties à l’université de Birmingham

Les « cadres », ces groupes d’auto-défense proches du parti au pouvoir, ont été accusés de semer la violence dans le pays, et d’après des témoins, seraient à l’origine des troubles qui ont éclaté entre des partisans des camps rivaux début août, qui ont coûté la vie à deux personnes.

« Si Hakainde Hichilema parvient à les écarter, cela donnera un coup de pouce aux libertés politique et économique du pays », conclut Nic Cheeseman.

@RFI

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