Présidentielle au Nigeria : légère avance pour Tinubu, l’opposition crie à la manipulation Le candidat du parti au pouvoir arrive en tête dans 14 Etats sur 36. Les résultats du territoire d’Abuja, la capitale fédérale, ne sont pas encore connus.

Le candidat du parti au pouvoir arrive en tête dans 14 Etats sur 36. Les résultats du territoire d’Abuja, la capitale fédérale, ne sont pas encore connus.

Les partis des deux candidats de l’opposition au Nigeria ont dénoncé des « manipulations » dans les résultats de la présidentielle au Nigeria, alors que Bola Tinubu, du parti au pouvoir, semblait prendre une légère avance lundi soir, 27 février, après un décompte encore partiel.

Plus de 87 millions d’électeurs ont voté samedi pour choisir parmi 18 candidats la personne qui aura la lourde tâche pendant quatre ans de redresser le pays le plus peuplé d’Afrique, plombé par une économie en berne, les violences récurrentes de groupes armés et de bandits, ainsi qu’un appauvrissement généralisé de la population. Les Nigérians élisaient un successeur au président Muhammadu Buhari, 80 ans, qui se retire après deux mandats (comme le veut la Constitution), mais aussi leurs députés et sénateurs.

Lundi soir, lorsque la Commission électorale nationale indépendante (INEC) a ajourné le décompte pour le reprendre mardi à 10 heures GMT, elle avait jusqu’ici annoncé les résultats officiels de la présidentielle dans 14 Etats sur les 36 du pays, excepté ceux de la capitale fédérale, Abuja.

Et Bola Tinubu, de l’APC, le parti du président sortant, menait avec plus de 3,8 millions de voix, contre 3 millions de voix pour Atiku Abubakar, le candidat du PDP, le principal parti d’opposition. Les deux devançaient l’outsider de cette présidentielle, Peter Obi, dont la popularité auprès de la jeunesse, qui le voit comme intègre et compétent, a pris tout le monde de court : le candidat, soutenu par le parti travailliste (LP) avait jusqu’ici remporté 1,6 million voix.

Accusations de fraudes

Toutefois, ces résultats ne sont absolument pas finaux, puisque ceux de la grande majorité des Etats restaient encore à annoncer. Et notamment des Etats clés tels que Kano (nord), Kaduna (nord-ouest) et Rivers (sud-est).

Le vote de samedi s’est globalement déroulé dans le calme, malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques. Mais des retards dans le décompte, et d’importantes défaillances dans le transfert électronique des résultats (expérimenté pour la première fois au niveau national) ont alimenté les inquiétudes et des accusations de fraudes.

La commission électorale « est compromise », et le parti au pouvoir « l’a influencée pour que les résultats soient modifiés », a accusé lundi soir le représentant du PDP, Dino Marleye. Le directeur de campagne du parti travailliste, Akin Osuntokun, a demandé la suspension de l’annonce des résultats, affirmant que les décomptes avaient également été manipulés.

Devancé au niveau national, M. Obi a toutefois créé la surprise lundi matin en remportant (de très peu) le plus grand nombre de voix dans l’Etat stratégique de Lagos, la bouillonnante capitale économique de 20 millions d’habitants, et pourtant fief de Bola Tinubu.

Le « parrain de Lagos », comme est surnommé Tinubu du fait de son immense influence politique dans la mégapole qu’il gouverna de 1999 à 2007, n’a pas encore commenté les résultats nationaux partiels. Mais il a reconnu sa défaite à Lagos, dans un communiqué, appelant aussi au calme après des éruptions de violences. « Il ne faut pas exagérer l’importance » de la victoire d’Obi à Lagos, selon Amaka Anku, analyste du groupe Eurasia. « Ce qui est important, c’est de voir ce que fait Tinubu dans le nord, où jusqu’à présent il semble bien se débrouiller, et ailleurs dans ses fiefs du sud-ouest. »

L’annonce des résultats complets devrait prendre du temps : jusqu’ici, Bola Tinubu avait remporté six Etats (Ekiti, Ondo, Kwara, Oyo, Ogun, Jigawa), tandis qu’Atiku Abubakar en avait gagné cinq (Osun, Yobe, Katsina, Adamawa, Gombe) et Peter Obi, trois (Lagos, Enugu et Nasarawa).

Course serrée

Cette course présidentielle est l’une des plus serrées que le Nigeria ait connues. Et pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, le pays pourrait connaître un second tour. Car, pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25 % des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération, auxquels s’ajoute le territoire d’Abuja.

Les voix de nombreux Etats du nord n’ont pas encore été comptabilisées. Bola Tinubu, 70 ans, et Atiku Abubakar, 76 ans, tous deux musulmans, bénéficient d’une vaste assise dans cette région. Tandis que Peter Obi, un chrétien de 61 ans, pourrait compter sur les votes du sud-est, sa région natale. Le vote communautaire est important au Nigeria, qui compte plus de 250 groupes ethniques, polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne.

Ce scrutin est crucial : le Nigeria, qui compte 216 millions d’habitants, devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, dans une région d’Afrique de l’Ouest menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences djihadistes. La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l’afrobeat, genre musical qui enflamme les dancefloors de la planète avec des stars telles que Burna Boy.

Mais, face aux immenses difficultés du quotidien, aggravées par de récentes pénuries, de nombreux Nigérians appellent au « changement », écœurés par des décennies de mauvaise gouvernance et une élite vieillissante et réputée corrompue.

 

 

@Le Monde avec AFP

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