Après des décennies de guerre et d’instabilité sécuritaire, la tenue de la Coupe du Golfe dans la ville de Bassora, à l’extrême sud de l’Irak, a un goût de victoire avant l’heure pour les habitants. Un enthousiasme partagé par les supporters venus des huit nations en compétition.
« Ce soir… Ce soir, on reste éveillé jusqu’au matin », chantent en chœur une trentaine de supporters irakiens. Le drapeau du pays brandit en étendard, ils accourent de toutes les rues du centre-ville de Bassora pour se joindre aux festivités sur la Corniche.
Ce lundi 16 janvier, la promenade qui longe le fleuve Chatt el-Arab est noire de monde. L’Irak vient de se qualifier pour la finale. Sous les feux d’artifice qui accompagnent le moindre but et chaque victoire de l’équipe nationale, les supporters exultent. « C’est indescriptible, tente d’expliquer Zeinab, habitante de Bassora, on a pleuré au coup de sifflet final ».
Certains se lancent dans des danses improvisées et les quelques drapeaux qatariens noyés dans la masse, loin de s’effacer après la défaite, restent, eux aussi, pour poursuivre la soirée. L’enthousiasme est contagieux. Ça n’a rien de surprenant, selon Ayat. « On espère tous que l’Irak sera toujours en paix pour pouvoir vivre des moments comme ça », explique l’adolescente bassraoui, résumant la pensée de nombre de personnes rencontrées depuis le match d’ouverture de la Coupe.
Qu’ils soient originaires d’Irak ou venus du sultanat d’Oman, d’Arabie saoudite, du Koweït, du Qatar, les supporters témoignent d’un moment particulier qui ne se résume pas à la compétition sportive. « Sans être de grands fans de foot, on voulait voir ça de nos propres yeux », glisse en passant un touriste émiratien, se pressant parmi la foule rassemblée, comme tous les soirs, sur les bords du fleuve. La tenue de la Coupe du Golfe à Bassora n’avait en effet rien d’une évidence. Durant des décennies, la guerre a empêché le pays d’accueillir l’événement sur son territoire, et pendant plus de dix ans, il était même exclu de toute participation, à la suite de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein.
Sahem, habillé en tenue traditionnelle, était présent initialement pour soutenir les joueurs koweïtiens. Son équipe a été éliminée du tournoi, mais avec sa femme et des amis, ils ont fait le choix de poursuivre leur séjour, heureux et surpris de l’accueil qui leur a été réservé. « On ne s’attendait pas à ce que ça se déroule aussi bien, que les relations entre nous, sunnites, et les Irakiens chiites soient si simples, s’amuse-t-il à présent. J’ai même un ami qui me demande de l’accompagner pour visiter Kerbala [lieu saint parmi les plus importants de la religion chiite, NDLR]. »
Abdallah, koweïtien lui-aussi et fan absolu de football, profite tout de même des jours de repos des joueurs pour visiter la ville. « Ça a recréé des relations de fraternité entre nous. Les Irakiens nous ont manqué », sourit-il en s’adressant au propriétaire du restaurant-musée dans lequel il est attablé.
Depuis bientôt deux semaines, toutes les nationalités du Golfe se croisent dans cet établissement. « Deux Qatariens sont venus et je leur ai parlé de la beauté de Bagdad », témoigne Sadiq el Hassoun, le propriétaire des lieux pour tenter d’expliquer ce qu’il ressort des échanges avec les clients. « Ils m’ont dit qu’ils seraient très heureux de s’y rendre pour voir les lieux saints de la capitale. Un de mes amis les a emmenés et maintenant, ils veulent aller à Nadjaf et Kerbala. Ils sont heureux et se sentent en sécurité en Irak. »
Une bouffée d’air frais
Que l’on soit grand fan de foot ou non, c’était donc une occasion à ne pas rater. « Je suis dépassé par les émotions. Je sais à quel point la population irakienne a souffert, s’émeut Moustafa, arrivé de Bagdad la veille de la demi-finale, et c’est incroyable de les voir oublier les querelles politiques et les crises. »
À chaque match, les stades sont pleins à craquer, les tickets d’entrée s’arrachent et pour ceux qui ne peuvent pas y assister, à chaque coin de rue, de nombreux particuliers sortent télévisions ou ordinateurs pour les suivre en extérieur et à plusieurs. Selon la fédération du Golfe, la Coupe en Irak atteint des records en nombre de supporters, annonçant jusqu’à 450 000 personnes. L’attention se tourne à présent vers la finale, jeudi 19 janvier, au cours de laquelle l’Irak affrontera l’équipe nationale du sultanat d’Oman. Une répétition du duel d’ouverture qui s’était soldé par un match nul.
@RFI