Pourquoi Giorgia Meloni est qualifiée de « post-fasciste »

En France, certains de ses supporters récusent ce terme. Or, il renvoie à des éléments précis.

POLITIQUE – « Dieu, Patrie, Famille ». C’est avec ce triptyque en bandoulière que Giorgia Meloni, cheffe de file du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, s’est imposée aux élections législatives en Italie, un siècle après l’arrivée au pouvoir de Mussolini.

Une onde de choc qui se ressent aussi en France, où la classe politique voit dans les résultats transalpins un possible présage des prochaines échéances électorales hexagonales. Ce qui a tout d’une perspective inquiétante, puisqu’une majorité de médias et de commentateurs qualifient la future Première ministre italienne de « post-fasciste ».

Un terme qui fait grincer des dents chez les supporters de l’intéressée. « Visiblement, certains ne savent plus quoi inventer pour disqualifier les partis patriotes quand les électeurs leur font majoritairement confiance », a commenté sur Twitter l’eurodéputé RN Thierry Mariani, qui considère donc que l’expression a été créée dans le seul but de nuire à Giorgia Meloni.

Mussolini, « ce bon politicien »

Pourtant, le terme renvoie à des éléments bien précis. « Le terme provient du moment où le MSI (Mouvement Social Italien) devient l’AN (Alliance nationale), renonçant à l’héritage fascisteOn passe donc du néofascisme au post-fascisme », explique au HuffPost l’historien spécialiste de l’extrême droite Nicolas Lebourg.

Dit autrement, le terme correspond à la période où le MSI renonce à toute revendication de réhabilitation et d’inspiration de l’œuvre totalitaire de Mussolini, avec l’idée de se muer en parti de gouvernement adapté à la démocratie parlementaire.

Nous sommes alors au milieu des années 90, période à laquelle Giorgia Meloni, qui fréquente le MSI depuis l’âge de 15 ans via ses branches jeunesses, dit tout haut tout le bien qu’elle pense de Benito Mussolini. « C’était un bon politicien. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie », expliquait-elle face caméra.

Une séquence qui ne permet pas de faire de l’intéressée un authentique clone du Duce, mais qui démontre la filiation idéologique de son parti, lui-même issu de l’Alliance nationale.

« Elle a été fasciste, personne ne peut le contester et elle ne le conteste pas. Elle n’a commencé à prendre ses distances avec le fascisme que très récemment », explique au HuffPost Marc Lazar, historien spécialiste de la politique italienne, précisant que la cheffe de file de Fratelli d’Italia « conserve incontestablement des éléments de continuité avec le fascisme ».

Le poids des symboles

Parmi eux, la réintroduction de la flamme tricolore lors de la fondation de Fratelli d’Italia. Un symbole auquel avait renoncé Gianfranco Fini, ancien président du MSI puis de l’AN, soucieux justement de prendre ses distances avec le fascisme. Et pour cause, la flamme en question, dont s’est inspiré en France le FN puis le RN, orne toujours la tombe du dictateur italien.

« En Italie, quand vous votez, et cela vient d’une tradition qui remonte à la fin de la Seconde guerre mondiale à une époque où il y avait encore beaucoup d’analphabète, les symboles du parti apparaissent sur les bulletins de vote. Ces symboles sont importants, les électeurs italiens savent très bien ce que ça veut dire », poursuit le chercheur, qui précise par ailleurs que son parti compte toujours des personnalités qui se revendiquent comme fascistes.

« On sait aussi qu’une partie de son électorat reste nostalgique du fascisme, et elle ne le répudie pas complètement », insiste Marc Lazar, qui voit dans Fratteli d’Italia «  un mixte de post-fascisme, de populisme, de conservatisme, de traditionalisme et de pensée réactionnaire ».

Pour la philosophe et écrivaine italienne Michela Marzano, la future Première ministre convoque aussi des références qui évoquent directement l’héritage du Duce.« Pendant la campagne électorale, Giorgia Meloni a fait une vidéo dans laquelle elle a expliqué que la jeunesse devait se régénérer par le sport pour sortir de ses déviances. Cela fait écho à ce que disait Mussolini quand il parlait de ’l’homme nouveau’ », explique au Figarocelle qui préfère le terme « néo-fasciste » à « post-fasciste ».

Deux expressions qui, au final, répondent au même objectif : souligner la filiation politique dans laquelle s’inscrit Giorgia Meloni. Un héritage dont elle est, par ailleurs, la dernière à nier.

 

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