Turquie : Erdogan revendique sa victoire à l’élection présidentielle, l’opposition conteste

Le chef de l’Etat turc a revendiqué sa victoire dimanche soir au cours d’une déclaration à Istanbul. Mais l’opposition conteste les résultats. 

Le président sortant de la Turquie Recep Tayyip Erdogan a annoncé sa victoire à l’élection présidentielle dès le premier tour, dimanche 24 juin. « Les résultats non officiels des élections sont clairs. Selon eux, notre nation m’a confié la responsabilité de président de la République », a déclaré M. Erdogan lors d’une déclaration à Istanbul. Le chef d’Etat a également revendiqué la victoire de l’alliance dominée par son parti, l’AKP (islamo-conservateur), aux législatives qui se sont également tenues dimanche.

« Le peuple turc a élu Erdogan comme premier chef de l’Etat dans le nouveau régime présidentiel turc. Le peuple turc a dit : “Continuons” avec le président Erdogan », s’est félicité le porte-parole du gouvernement, Bekir Bozdag sur Twitter. M. Erdogan aurait obtenu près de 53 % des voix, selon l’agence de presse étatique Anadolu. Muharrem Ince, chef de file de l’opposition et du Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche), est quant à lui crédité de près de 30 %.

Mais ces chiffres sont contestées par l’opposition. Le parti Républicain du peuple (CHP), qui avait envoyé des représentants dans la plupart des 180 000 bureaux de vote, afffirme que ses propres chiffres montrent que M. Erdogan a obtenu moins de 50 % des voix et qu’un second tour est nécessaire. Le député du CHP Bülent Tezcan a dénoncé « une manipulation grossière » de l’agence Anadolu qui transmet des résultats « irréels », selon lui.

Plus de 56 millions d’électeurs turcs étaient appelés aux urnes dimanche pour les élections présidentielle et législatives. Le chef de l’Etat, Recep Tayyip Erdogan, briguait un nouveau mandat après quinze ans de règne sans partage. Ce double scrutin marque le passage en Turquie d’un système parlementaire à un régime hyperprésidentiel souhaité par M. Erdogan et validé lors d’un référendum en 2017.

Le parti prokurde HDP à l’Assemblée ?

A Diyarbakir, les responsables du parti prokurde HDP estiment que le seuil des 10 % lui permettant d’entrer à l’Assemblée est acquis. Reste à savoir s’il auront réussi alors que leur appareil partisan est affaibli à capitaliser sur la colère d’une large partie de l’électorat kurde contre le pouvoir pour améliorer leur score des élections de novembre 2015.

Haro Paylan, candidat de la liste HDP à Diyarbakir s’attend à un score entre 11 et 12 % dans le meilleur des cas. La perspective de voir M. Erdogan élu au premier tour suscite en revanche une déception sensible. Dans les rues, autour du siège local du Parti pro-kurde, les manifestations de joie se poursuivent dans l’attente des résultats définitifs et de la confirmation du score qui permettra au HDP de rester au Parlement.

L’opposition dénonce des tentatives de fraude

Muharrem Ince, candidat à la présidentielle du principal parti républicain du Parti républicain (CHP), parle aux journalistes devant le haut conseil des élections à Ankara, en Turquie, dimanche 24 juin 2018.(AP Photo / Ali Unal)

Au cours de la journée électorale, le CHP a dénoncé des tentatives de fraude. « De nombreuses plaintes nous sont parvenues », surtout de la province de Sanliurfa (sud-est), a déclaré le porte-parole du CHP (social-démocrate), Bülent Tezcan, lors d’une conférence de presse au siège de son parti à Ankara. « Nos amis sont intervenus au moment où c’est arrivé », a-t-il ajouté.

Il a énuméré plusieurs exemples de tentatives de bourrage d’urnes, avec notamment une urne comptant déjà une centaine de bulletins de vote, tous pour l’alliance dominée par le parti au pouvoir AKP (islamo-conservateur) de M. Erdogan, avant même l’ouverture des bureaux. Il a également diffusé une vidéo, qu’il affirme avoir authentifiée, d’un homme affirmant qu’il y avait plus de bulletins que d’électeurs déjà passés dans un bureau de vote à Suruç.

Le procureur public de Sanliurfa, dont dépend Suruç, a annoncé avoir ouvert une enquête sur ces accusations et quatre personnes ont été arrêtées, selon l’agence de presse étatique Anatolie. Craignant des fraudes, en particulier dans le sud-est à majorité kurde, opposants et ONG ont mobilisé plusieurs centaines de milliers d’observateurs pour surveiller les urnes. « Dans la région, il y a eu des assauts, des menaces pour arrêter nos observateurs », a affirmé M. Tezcan.

©Le Monde