Turquie: après le séisme meurtrier, les promoteurs et constructeurs cibles de la colère des habitants

Le dernier bilan du séisme de magnitude 7,8 qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février dernier a dépassé les 41 000 morts. En Turquie, une vague d’arrestations a eu lieu ces derniers jours. Parmi les personnes interpellées, Mehmet Yasar Coskun, homme d’affaires et maître d’ouvrage de la résidence Renaissance, à Antioche. La majorité de ses habitants ont été tués lors du séisme. Les proches de ces victimes sont en colère.

Du luxueux complexe Renaissance, il ne reste que des montagnes de gravats que les pelleteuses commencent à déblayer…

Face à ce triste spectacle, Zerrine Tourtakaya essuie une larme. « Dans la résidence Renaissance vivaient ma nièce et ses enfants. On nous avait dit que cet immeuble serait le plus solide d’Antioche, qu’il respectait toutes les normes, qu’il ne fallait pas avoir peur ! » 

La résidence Renaissance comptait 250 appartements. Quelque 1 000 personnes y vivaient, et profitaient d’équipements haut de gamme et d’une piscine.

Les ruines d’une résidence Renaissance à Antioche, en Turquie, le 9 février, après le séisme. AP – Khalil Hamra

Aslan Kulitch, lui, a perdu quatre proches. « Le problème, c’est que le promoteur a voulu construire un maximum d’appartements. Il a été arrêté pour nous calmer, mais moi, je suis en colère contre les autorités ! » 

Un autre homme se joint à la conversation. « Le responsable, c’est celui qui a approuvé le projet, signé les documents ! Pas le promoteur !  Dans les publicités, ils disaient que l’immeuble était conçu pour résister à un séisme de magnitude 8… vous voyez… c’était faux ! » 

Plus que les promoteurs, ce sont les autorités locales qui sont visées par les habitants. Pourtant, à une heure trente d’Antioche, la petite ville d’Erzin, proche de l’épicentre du séisme, ne compte, elle, aucun dégât. Cet habitant l’assure, c’est grâce à la vigilance du maire. « Peu importe qui venait le voir, nous explique-t-il, il ne délivrait pas de permis de construire sans avoir lu les documents. Notre maire est contre les pots-de-vin comme cela se fait partout dans le pays ! »

En Turquie, l’immeuble Renaissance (Rönesans) est désormais devenu le symbole de la corruption des autorités locales par certains promoteurs immobiliers. Son promoteur, Mehmet Yasar Coskun, a été arrêté à l’aéroport d’Istanbul alors qu’il essayait de prendre la fuite.

Le boom de la construction en Turquie

En Turquie, le secteur du bâtiment a fait flamboyer l’économie depuis les années 2000 et l’arrivée au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan et de son parti, l’AKP (Justice et développement, islamo-conservateur).
Selon le rapport budgétaire général du secteur pour l’année 2020 (avant la pandémie) et l’Institut turc des statistiques, le nombre d’entreprises opérant dans le secteur immobilier a augmenté de 43% en dix ans (de 88.700 à 127.000). Dont une écrasante majorité de très petites entreprises (99.220). Un programme de « transformation urbaine » censé mettre aux normes les plus vieux logements leur a largement profité ainsi que le développement de résidences touristiques.

 

@AFP

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