Dialogue national inclusif au Tchad: réactions politiques à la prolongation de la transition

Une étape cruciale a été franchie ce week-end à la conférence nationale souveraine tchadienne dite inclusive, réunie à Ndjamena. Le forum a décidé de prolonger la durée de la transition de deux ans maximum, et d’octroyer la possibilité au chef autoproclamé de la junte militaire, le général Mahamat Idriss Déby, de se présenter à un mandat électif au terme de cette transition. Les réactions politiques ne se sont pas faites attendre.

L’Union africaine avait pourtant prévenu jeudi : la transition devrait être de 18 mois et aucun membre du CMT ne devrait pouvoir se présenter aux prochaines élections.

Pour Yoboïdé Malloum, porte-parole de l’Alliance 43 qui regroupe 34 partis alliés au MPS, l’ancien parti d’Idriss Déby, ce choix s’explique par la volonté d’éviter au Tchad de retomber dans les affres de la guerre comme celle qui a emporté la vie au président Idriss Déby Itno.

« Nous disons que ce Dialogue inclusif national est souverain, estime Yoboïdé Malloum, joint par Esdras Ndikumanadu service Afrique de RFI. Tout au long du débat, tous ceux qui ont pris la parole ont dû créer les issues de l’exclusion qui nous a occasionné la mort du Maréchal du Tchad. Le peuple dans son ensemble parlait de l’injustice, de l’inclusion, de la mal gouvernance qui nous ont conduit à cette situation. Au lieu de chercher à réparer les erreurs, on va encore en créer d’autres. Si aujourd’hui, l’Union africaine, qui hier nous disait que le cas du Tchad était un cas exceptionnel, condamne les autorités de la transition 18 mois plus tard, cela n’engage que l’Union africaine. Personne n’a dit que c’est le CMT seul qui va être éligible, c’est tous les responsables en charge de la transition. »

« Il y a une dérive dynastique »

S’il est devenu membre du comité d’organisation du Dialogue, Saleh Kebzabo est une figure historique de l’opposition et depuis un an, il répétait qu’il était contre la possibilité pour les leaders de la junte de participer aux futurs scrutins, que le général Mahamat Idriss Déby ne pouvait être « juge et partie ». Sa vision a donc radicalement changé.

« Il faut bien que résolutions du Dialogue soient mises en œuvre. Le délai que nous avons fixé, qui est de 24 mois, convient pratiquement à tout le monde. Parce que nous savons qu’il y a un grand travail à faire et c’est dans les délais habituels, assure-t-il, au micro de Guillaume Thibault, du service Afrique de RFI. Le deuxième problème, c’est celui de l’éligibilité de ceux qui ont dirigé la transition. Je suis de ceux qui ont dit qu’il n’est pas question d’être juge et partie. Pourquoi est-ce que, cette fois-ci, je l’accepte ? Je l’accepte parce que c’est la particularité tchadienne, parce que nous n’avons pas une armée nationale. Il n’y a, je pense, qu’un militaire sorti des rangs qui peut prendre les rênes de ce pays et diriger la transition. Donc, c’est ce réalisme-là qui nous a imposé d’autoriser les autorités de la transition à participer à futures élections. Et d’ailleurs, qui vous dit que c’est eux qui vont gagner ces élections si elles sont transparentes ? »

Mis devant le fait accompli

Pour le porte-parole d’un groupe d’opposition, Brice Mbaimon Guedmbaye qui participe au Dialogue national, ces décisions de prolonger de deux ans la transition et de permettre aux responsables de la junte de participer aux élections n’ont pas de sens. « Nous avons l’impression d’avoir été mis devant un fait accompli, estime-t-il. Dupés, trahis, avec la complicité des institutions internationales, que nous ne comprenons pas. Aujourd’hui, la junte militaire, tirant sa légitimité de tout cela, voudrait donc conserver la pouvoir. Sans vouloir faire un procès d’intention, nous pensons que Mahamat Idriss Déby aura la juste idée, une idée élégante de renoncer à sa candidature à la prochaine élection et c’est possible qu’il le fasseParce que, maintenant, il n’y a que ses partisans qui défendent ces positions. Mais lui, personnellement, ne s’est pas encore prononcé sur la questionEt nous pouvons encore compter sur sa bonne foi en renonçant à sa candidature. Et c’est ce qui sera une très belle chose. Et nous continuerons par mettre la pression, à mener des négociations dans ce sens. »

De son côté, le leader du FACT, l’un des plus importants groupes politico-militaires tchadiens, impliqué dans les combats qui ont provoqué le décès du président Idriss Deby Itno il y a près de 18 mois, réagit également. Mahamat Mahdi Ali estime aujourd’hui que leur lutte armée prend tout son sens à la lumière de ces décisions adoptées par le DNIS.

« Le FACT avait dit clairement dès le départ que si les résolutions qui seraient votées dans ce Dialogue-là tendent à exprimer clairement la volonté du peuple tchadien, à ce moment, on ne voit aucune raison de continuer notre lutte, dit-il. Malheureusement, on constate le contraire, même le parti de l’intérieur, on a constaté avec regret qu’il y a une dérive dynastique de transmission de pouvoirs. On ne peut pas admettre en 2022 transmettre le pouvoir de cette manière-là. Cette voie qu’on est en train d’emprunter là, ce n’est pas la voie de la paix. Donc, aujourd’hui, l’essence même de notre lutte trouve toute sa noblesse. »

 

@RFI

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