Arrêté à son retour en Russie, l’opposant Alexeï Navalny incarcéré

Alexeï Navalny a été arrêté dimanche lors de son retour en Russie après un séjour en Allemagne où il était soigné pour un empoisonnement. Malgré les protestations internationales, un tribunal a ordonné son incarcération jusqu’au 15 février.

«On va m’arrêter ? Impossible, je suis innocent.» L’optimisme un brin provocateur affiché à son départ de Berlin par Alexeï Navalny, de retour en Russie dimanche, aura contrasté avec l’accueil qui lui était réservé en Russie. À peine arrivé sur le sol russe, un comité de bienvenue l’attendait et l’opposant à Vladimir Poutine a été interpellé. Plus tôt dans l’après-midi ce lundi, plusieurs de ses partisans venus l’accueillir à l’aéroport avaient subi le même sort. Un tribunal russe a ensuite annoncé son incarcération jusqu’au 15 février.

À l’aéroport Vnoukovo, la police antiémeute était présente en force et un groupe de quelque 200 soutiens à l’opposant russe étaient massés devant les barrières installées pour barrer l’accès à la salle des arrivées, selon des journalistes de l’AFP. «Lioubov Sobol, Rouslan Chaveddinov, Ilia Pakhomov, le juriste Alexeï Molokoïedov, l’assistant de Navalny Ilia Pakhomov, la directrice de campagne Anastasia Kadetova et Konstantin Kotov ont été arrêtés», a indiqué sur Twitter Ivan Jdanov, l’un des plus proches collaborateurs d’Alexeï Navalny, qui était présent sur place.

Le chef de file de l’opposition russe, qui avait décollé de Berlin avec sa femme Ioulia peu après 15H, en dépit de menaces d’arrestation quasi-immédiate émanant de la justice russe, a atterri à Moscou un peu avant 18H30, heure locale, après que son avion a été dérouté. «En Allemagne, c’était bien, mais rentrer à la maison, c’est toujours mieux», avait-il déclaré avant d’embarquer. Ajoutant, sur son compte Instagram, à l’attention des forces déjà déployées à l’aéroport de Moscou : «Voilà à quel point ils sont lâches, pathétiques et ridicules. Comme d’habitude, les autorités russes sont caractérisées par leur peur.»

L’opposant russe avait annoncé mercredi son intention de quitter l’Allemagne, où il avait été pris en charge fin août dans un état grave après de forts soupçons d’empoisonnement. Les services pénitentiaires russes (FSIN) avaient immédiatement répliqué en déclarant qu’ils seraient «obligés» de l’arrêter. «[Alexeï Navalny] figure sur une liste de personnes recherchées depuis le 29 décembre 2020 pour de multiples violations de sa période probatoire», ont déclaré les services pénitentiaires russes, dans un communiqué. «Il restera en détention jusqu’à la décision du tribunal» le concernant, est-il précisé.

L’opposant russe est accusé de pas avoir respecté, quand il était en Allemagne, les conditions de son contrôle judiciaire, qui l’obligeait à pointer au moins deux fois par mois à l’administration pénitentiaire. Il est également visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraude, soupçonné d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons. Son avocate a fait savoir qu’elle n’avait pas été autorisée à voir son client depuis son arrestation à l’aéroport.

C’est une affaire totalement intérieure et nous ne permettrons à personne de s’ingérer là-dedans– Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov
Un peu partout dans le monde, de nombreux dirigeants ont fait part de leur indignation suite à l’annonce de son arrestation. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a réclamé «la libération immédiate» de l’opposant à Vladimir Poutine, tandis que le chef de la diplomatie européenne a qualifié d’«inacceptable» la «politisation du système judiciaire» russe. Les États-Unis, qui s’apprêtent à changer de président, ont réagi dans la foulée. Jake Sullivan, appelé à devenir le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, exige que «les auteurs de l’attentat scandaleux sur sa vie soit tenus responsables».

Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’une tournée électorale en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches. Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique à des fins militaires. Ce qu’a d’ailleurs pu confirmer par la suite l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en dépit des dénégations de Moscou. L’opposant accuse de son côté les services spéciaux russes (FSB) d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct de Vladimir Poutine.

Au gré des versions, les autorités russes ont elles mis en cause les services secrets occidentaux, ou bien encore l’hygiène de vie d’Alexeï Navalny. Jusqu’à présent, Moscou a refusé d’ouvrir une enquête pour découvrir ce qui est arrivé à l’opposant russe. 24 heures après son arrestation, la Russie a adressé ce mardi une fin de non recevoir aux demandes occidentales réclamant sa libération. «C’est une affaire totalement intérieure et nous ne permettrons à personne de s’ingérer là-dedans», a ainsi déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il a également dénoncé des «appels préoccupants» de l’opposant, arrêté dès son retour en Russie dimanche, à protester en masse contre son placement en détention.

@ LCI

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *