A Hongkong, des manifestants dans un parc malgré l’interdiction de la veillée de Tiananmen

Pour la première fois depuis trente ans, la veillée en souvenir des manifestations de 1989 a été interdite, alors qu’une loi menace l’autonomie de l’ex-colonie britannique.

Des milliers de Hongkongais ont bravé l’interdiction de rassemblement pour marquer le 31e anniversaire de la sanglante répression de Tiananmen, alors que la police avait interdit cette veillée, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) sur place.

Pour la première fois en trente ans, la police n’avait pas autorisé le traditionnel hommage aux victimes qui se tient chaque année dans le parc Victoria, en invoquant les restrictions liées à la crise sanitaire.

Les policiers ont, en outre, annoncé avoir procédé à des arrestations en tentant de disperser un rassemblement dans un quartier commerçant de la ville, Mongkok, où ils ont accusé des « protestataires vêtus de noir » d’avoir bloqué des routes.

Quelques manifestants ont retiré des barrières qui avaient été installées autour du parc Victoria, lieu traditionnel de la veillée, avant qu’un groupe plus nombreux n’y pénètre et se rassemble sur les terrains de football en scandant des slogans, une bougie à la main.

Pour la première fois en trois décennies, la veillée n’a pas été autorisée cette année par la police. Celle-ci a invoqué les risques liés au Covid-19, les rassemblements de plus de huit personnes restant interdits. Les organisateurs ont appelé les habitants à allumer des bougies là où ils se trouvent, à 20 heures locales (14 heures en France).

« C’est de la répression politique »

« Je ne crois pas que ce soit à cause de la pandémie. C’est de la répression politique, a déclaré à l’AFP Wong, un homme de 53 ans qui a refusé de donner son identité complète, après s’être agenouillé près du parc en hommage. J’ai bien peur que cette veillée n’ait plus jamais lieu. »

Ces veillées attirent généralement des foules à Hongkong, en souvenir de la sanglante intervention de l’armée chinoise dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, aux alentours de la célèbre place du cœur de Pékin. La répression du mouvement réformiste avait fait entre plusieurs centaines et plus d’un millier de morts. Elle avait mis fin à sept semaines de manifestations d’étudiants et d’ouvriers qui dénonçaient la corruption et réclamaient la démocratie.

Le sujet est tabou en Chine. Jeudi matin à Pékin, un photographe de l’Agence France-Presse a été stoppé par la police, qui l’a obligé à effacer la plupart de ses clichés, alors qu’il circulait près de Tiananmen. Dans ce contexte, Hongkong est le seul endroit du pays où l’événement est commémoré chaque année, ce qui illustre les libertés uniques dont jouit le territoire autonome, revenu dans le giron chinois en 1997.

L’an passé, la veillée du 30e anniversaire s’était ainsi déjà déroulée dans un contexte politique tendu : l’exécutif hongkongais pro-Pékin tentait d’imposer l’autorisation des extraditions vers la Chine continentale. Une semaine plus tard allaient commencer sept mois de manifestations quasi quotidiennes dans la métropole financière.

Autonomie théoriquement garantie jusqu’en 2047

En réponse à ce mouvement, Pékin a annoncé fin mai son intention d’imposer à Hongkong une loi sur la sécurité nationale, qui prévoit de punir les activités séparatistes, « terroristes », la subversion, et les ingérences étrangères dans le territoire.

Beaucoup de Hongkongais, et nombre de capitales occidentales, redoutent que cette réforme ne soit le prélude à une vague de répression politique et ne signe la fin de la semi-autonomie théoriquement garantie jusqu’en 2047.

Un autre projet de loi plébiscité par Pékin et actuellement en débat au Conseil législatif (LegCo, le Parlement hongkongais) prévoit de criminaliser l’outrage à l’hymne national chinois. Les élus sont censés voter jeudi après-midi, mais la session a été interrompue après l’expulsion d’un député de l’opposition qui avait jeté au sol un mélange fétide d’engrais liquide, pour marquer l’anniversaire de Tiananmen.

En Chine continentale, aucune commémoration publique n’est possible : les médias restent muets, les censeurs effacent toute mention sur Internet et la police surveille de près les dissidents avant la date fatidique du 4 juin.

© Le Monde avec AFP