Immigration aux Etats-Unis : 700 enfants toujours séparés de leur famille

Le gouvernement fédéral avait jusqu’au 26 juillet pour réunir les familles séparées lors de leur passage illégal de la frontière américaine.

Plus de 1 800 enfants entrés illégalement aux Etats-Unis ont été remis à leurs parents, mais plus de 700 en étaient encore séparés jeudi 26 juillet. L’administration fédérale américaine n’a donc pas réussi à réunir toutes les familles avant l’expiration du délai fixé par un juge fédéral de San Diego (Californie), Dana Sabraw. Le 26 juin, il avait donné deux semaines au gouvernement pour les enfants de moins de 5 ans, et un délai d’un mois pour ceux âgés de 5 ans à 17 ans.

La politique de séparation pratiquée par l’administration Trump depuis l’été 2017, et amplifiée en mai, visait à dissuader les migrants venus d’Amérique centrale d’entrer sur le territoire américain via le Mexique. Le ministre de la justice, Jeff Sessions, a parlé de « zéro tolérance », mais Donald Trump a aussi prétendu qu’il ne faisait qu’appliquer une loi votée précédemment par les démocrates. Ces séparations ont suscité un tollé national et international, qui a contraint le président des Etats-Unis à signer, le 20 juin, un décret pour y mettre fin. Elles avaient été jugées inhumaines et inconstitutionnelles par le juge Sabraw.

Des parents expulsés sans leurs enfants

Pour les enfants de moins de 5 ans, le délai du 10 juillet fixé par le juge avait été manqué de deux jours. Celui du 26 juillet n’est pas complètement respecté non plus.

Dans le détail, selon les chiffres publiés par la presse, sur 2 551 familles avec des enfants de plus de 5 ans, 1 442 enfants ont retrouvé leurs parents dans des centres de rétention américains ; 378 les ont retrouvés en toute liberté ; et plus de 700 sont encore sous contrôle fédéral.

L’administration fédérale avance plusieurs explications. La réunification ne serait pas possible pour 431 enfants, tout simplement parce que leurs parents ont été expulsés des Etats-Unis. Ensuite, 120 parents auraient refusé d’être réunis, et 67 ne seraient pas éligibles à une réunification en raison d’antécédents judiciaires ou criminels, ou parce qu’ils ont une maladie contagieuse ou que leur parenté n’a pas été établie. Enfin, les parents d’une petite centaine d’enfants n’auraient pas été localisés.

Ce décompte fait dire à l’administration qu’elle a globalement respecté le délai. Lee Gelernt, avocat de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), qui a déposé plainte dans l’affaire, était critique avant que les chiffres ne soient connus : « Le gouvernement ne mérite pas d’applaudissements pour nettoyer le foutoir qu’il a mis, et en plus il ne respecte pas le délai pour toutes les familles. »

Le juge Sabraw a tenu pour sa part des propos plus amènes sur le gouvernement, estimant que les parties « progressent de manière mesurée et efficace étant donné l’énormité de la tâche ».

Incompréhensions

Cette réunification, lorsqu’elle a eu lieu, a été souvent très pénible. Selon la militante Bethany Carson, dans le centre de détention de Port Isabel au Texas, des parents ont été qualifiés de « libérés » par le gouvernement alors qu’ils sont restés en détention une semaine, à attendre leurs enfants, sans pouvoir prendre de douche ni téléphoner ou avoir accès à des services religieux. « Ils sont complètement coupés du monde et les autorités disent qu’ils sont libres », proteste Bethany Carson dans le New York Times.

Le quotidien cite aussi des ratés, tel ce qui est arrivé à ces enfants de 9 ans et 14 ans, soudainement renvoyés de New York vers le sud-ouest du pays pour retrouver leur mère… qui avait déjà été expulsée. De fait, de nombreux parents ont accepté d’être expulsés en croyant que c’était pour eux le seul moyen de retrouver leurs enfants. Parmi eux, des Guatémaltèques illettrés parlant à peine l’espagnol et qui auraient mal compris ce dont il s’agissait, accuse l’ACLU.

Ce n’est pas l’avis de Matthew Albence, responsable de la mise en œuvre des décisions d’immigration cité par CNN : « Les parents qui sont rentrés chez eux sans leurs enfants l’ont fait après avoir eu l’occasion de rentrer avec eux. » Selon lui, des parents « ont décliné cette proposition ». Ces personnes ne seront pas réadmises aux Etats-Unis.

Plusieurs centaines de familles détenues dans ces centres de rétention font face à une décision d’expulsion. Ces derniers jours, des associations se sont interrogées sur la pertinence de renvoyer en détention auprès de leurs parents des enfants traumatisés et qui ne sont pas certains d’avoir droit à une assistance minimale en termes d’alimentation, d’hygiène et de santé .

Le gouvernement fédéral peut les garder en détention pendant vingt jours dans un des trois centres prévus à cet effet. Selon le New York Times, ces expulsions pourraient avoir lieu rapidement si le juge Dana Sabraw met fin au moratoire qu’il a imposé. Une audience est prévue ce vendredi.

©Le Monde