Les réseaux sociaux ont bloqué mercredi le partage d’un article sur les liens entre Hunter Biden, le fils du candidat à la présidence, et un groupe gazier ukrainien. Un acte « affreux », a dénoncé Donald Trump.
A trois semaines de l’élection présidentielle américaine du 3 novembre, Jack Dorsey, le patron de Twitter, a dû clarifier la situation au terme d’une journée de polémique autour d’un article de presse controversé mettant en cause le candidat démocrate, Joe Biden, dont Facebook et Twitter ont limité le partage en ligne.
« Notre communication sur nos actions concernant l’article du New York Post n’a pas été géniale. Et bloquer le partage de l’adresse internet de l’article avec zéro contexte expliquant pourquoi : inacceptable », a posté le fondateur du réseau social, mercredi 14 octobre au soir.
Our communication around our actions on the @nypost article was not great. And blocking URL sharing via tweet or DM with zero context as to why we’re blocking: unacceptable. https://t.co/v55vDVVlgt
— jack (@jack) October 14, 2020
Mercredi 14 octobre, le journal conservateur New York Post a en effet publié ce qu’il affirme être des e-mails qui auraient été récupérés illégalement sur un ordinateur contenant des messages, des photos et des vidéos personnelles du fils de Joe Biden, Hunter Biden – ce dernier a siégé de 2014 à 2019 au conseil de surveillance du groupe gazier ukrainien Burisma. Le quotidien dit avoir obtenu ces documents par le biais d’un proche de Donald Trump, l’ancien maire de New York Rudy Giuliani.
Facebook attend des « vérifications »
Le New York Post affirme que ces messages permettent de relancer les accusations du candidat démocrate à la Maison Blanche par le camp de Donald Trump, selon lesquelles il aurait aidé la société Burisma à échapper à des enquêtes pour corruption lorsqu’il était le vice-président de Barack Obama. De son côté, Joe Biden a toujours nié avoir discuté avec son fils de ses activités à l’étranger quand il était au pouvoir.
La manière dont les documents ont été transmis au New York Post suscite de nombreuses interrogations. Le quotidien explique que les fichiers ont été trouvés par un réparateur d’ordinateurs de l’Etat du Delaware sur un MacBook que son propriétaire n’était jamais venu récupérer. Après avoir ouvert l’ordinateur, le réparateur aurait contacté le FBI en constatant qu’il s’agissait d’un ordinateur qui aurait appartenu à Hunter Biden. Mais il aurait également conservé une copie des fichiers qu’il aurait ensuite transmise à l’avocat de Rudy Giuliani, ancien maire de New York et proche de Donald Trump.
C’est ensuite M. Giuliani lui-même qui aurait donné les fichiers au New York Post, après que le journal a appris leur existence grâce à Steve Bannon, l’ancien directeur de campagne de Donald Trump. Cela dans un contexte où Rudy Giuliani est accusé d’avoir mené en Ukraine une « diplomatie parallèlle » visant à « forcer » l’ouverture d’une enquête dans le pays contre Hunter Biden. Cette procédure était au cœur de la tentative d’« impeachment » de Donald Trump, pour laquelle le président des Etats-Unis a été acquitté au Sénat, contrôlé par les républicains.
Face à tout cela, les équipes de Twitter chargées de la sécurité du réseau social ont expliqué qu’elles empêchaient le partage de l’article sur la plate-forme parce qu’il contient des documents enfreignant deux de ses règles : ne pas publier de données personnelles (e-mails, numéros de téléphone) et ne pas publier d’éléments piratés. « Nous ne voulons pas encourager le piratage en autorisant la diffusion de documents obtenus illégalement », a expliqué l’entreprise sur ce compte, rappelant que discuter de l’article n’était pas interdit, seulement le partage.
L’un des responsables de la communication de Facebook à Washington, Andy Stone, a lui publiquement mis en doute la véracité de ces messages électroniques et de l’article du New York Post. Il a annoncé que les informations du quotidien allaient faire l’objet d’une vérification de la part des partenaires de Facebook dédiés au « fact checking » (dont Le Monde fait partie en France). En attendant ces vérifications, réalisées par des médias ou des associations partenaires de Facebook dans la lutte contre les infox, la visibilité de l’article du New York Post en question sera réduite sur la plate-forme, a-t-il indiqué.
Accusations de « censure »
Ces clarifications sont arrivées après une journée de critiques enflammées contre les réseaux. De nombreux républicains ont accusé Twitter et Facebook de censure pendant la journée de mercredi, notamment le plus actif d’entre eux, Donald Trump. « [C’est] si affreux que Twitter et Facebook aient retiré l’article sur les courriels “accablants” liés à Joe Biden l’endormi et son fils, Hunter, dans le New York Post », s’est indigné le président sur son réseau favori.
Donald Trump a plus tard accusé le réseau social à l’oiseau bleu d’avoir bloqué le compte de sa porte-parole, Kayleigh McEnany, pour avoir partagé l’article. « Parce qu’elle a partagé la vérité ! Ils ont fermé son compte », « ils essaient de protéger Biden », a-t-il clamé lors d’un rassemblement dans l’Iowa. Le sénateur républicain Josh Hawley a, lui, dénoncé la « partialité » de Facebook et un blocage « semble-t-il sélectif » d’un article sur « un acte potentiellement contraire à l’éthique d’un candidat à la présidence ».
Dans un éditorial, le New York Post, l’un des quotidiens les plus lus dans le pays, a fustigé la « censure de Facebook pour aider la campagne de Joe Biden ». « Censurez d’abord, poser les questions après : c’est une attitude scandaleuse pour l’une des plates-formes les plus puissantes aux Etats-Unis », poursuit l’éditorial, accusant Facebook d’être devenu « une machine de propagande ».
L’article du New York Post rappelle l’affaire concernant Hillary Clinton, la candidate démocrate en 2016, dont des e-mails piratés par des hackers russes avaient été diffusés sur Internet par des sites anonymes et par WikiLeaks. Dans leurs efforts pour protéger les élections des manipulations, les grandes plates-formes ont promis d’être intransigeantes vis-à-vis de ces tactiques de type « hack-and-leak », où des entités, souvent liées à des Etats, donnent des informations piratées aux médias et se servent des réseaux pour les propager.
@Le Monde avec AFP