La Chine impose sa loi controversée sur la sécurité nationale à Hongkong

Le texte entend réprimer le « séparatisme », le « terrorisme » et la « collusion avec des forces extérieures et étrangères ». Les opposants redoutent qu’il ne serve à museler toute dissidence.

Au pas de charge, la Chine a adopté, mardi 30 juin, sa loi controversée sur la sécurité nationale à Hongkong. Le Parlement a voté à Pékin, à l’unanimité, ce texte qui fait craindre une répression de toute opposition politique dans l’ex-colonie britannique.

Le président chinois, Xi Jinping, a par la suite promulgué la loi qui sera incorporée dans la Loi fondamentale, qui sert depuis 1997 de mini-Constitution à Hongkong, a annoncé l’agence de presse Chine nouvelle. Elle entrera en vigueur dès mardi, a précisé la chef de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam.

Cette loi, qui entend réprimer le « séparatisme », le « terrorisme », la « subversion » et la « collusion avec des forces extérieures et étrangères », vise à ramener la stabilité à Hongkong, à la suite de manifestations monstres contre le pouvoir central en 2019. Les opposants redoutent qu’elle ne serve à museler toute dissidence et à enterrer la semi-autonomie et les libertés dont jouissent les habitants.

Les autorités chinoises affirment, quant à elles, qu’elle ne concernera qu’une minorité de personnes, en particulier celles qui militent pour l’indépendance du territoire. « Pour les membres de la petite minorité qui menace la sécurité nationale, cette loi sera un glaive suspendu au-dessus de leur tête », a ainsi déclaré dans un communiqué le bureau des affaires de Hongkong et Macao.

Il est difficile pour l’heure de connaître les réelles conséquences de ce texte, son contenu précis demeurant jusqu’à présent secret. Elaboré en seulement six semaines, il contourne le Conseil législatif local.

Dissolution du parti Demosisto

Quelques heures après l’adoption de la loi par le Parlement chinois, le parti politique hongkongais Demosisto, fondé par des militants prodémocratie, a annoncé sa dissolution mardi après-midi.

Plus tôt, Joshua Wong, Nathan Law, Jeffrey Ngo et Agnes Chow avaient expliqué qu’ils quittaient ce parti politique honni par Pékin et qui milite notamment pour un véritable suffrage universel dans l’ex-colonie britannique. Les quatre chefs de file du mouvement ont cependant affirmé qu’ils continueraient à militer à titre individuel, ce qui laisse à penser qu’ils souhaitaient ainsi protéger Demosisto de toute poursuite avec l’entrée en vigueur de cette loi sur la sécurité. « Je vais continuer à défendre ma maison, Hongkong, jusqu’à ce qu’ils me réduisent au silence et m’éliminent de cette terre », a ainsi écrit sur Facebook Joshua Wong, militant célèbre du mouvement prodémocratie.

Pour l’opposition prodémocratie de Hongkong et pour plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis, pour le G7 ou encore l’Union européenne (UE), cette loi est une attaque contre l’autonomie et les libertés du territoire. Washington a ainsi engagé, lundi, le retrait de privilèges commerciaux dont bénéficiait Hongkong en réponse au projet de loi sécuritaire préparé en Chine.

Le Royaume-Uni « préoccupé »

« Nous sommes évidemment très préoccupés par la décision d’adopter cette loi », a déclaré aux journalistes le premier ministre britannique, Boris Johnson, promettant d’examiner « très attentivement » le contenu de celle-ci, « pour voir si elle entre en conflit avec la déclaration commune entre le Royaume-Uni et la Chine ». Le Royaume-Uni avait rétrocédé Hongkong à la Chine en 1997. Le ministre des affaires étrangères, Dominic Raab, a dénoncé dans un communiqué une « étape grave »« profondément troublante »« Nous demandons instamment à la Chine de revenir sur sa décision », a-t-il déclaré devant le Parlement, promettant aux députés une autre déclaration une fois que le contenu exact de la loi sera publié.

Manifestation pro-chinoise après le vote de la loi, le 30 juin à Hongkong. Kin Cheung / AP

« Cette loi risque de porter gravement atteinte au degré élevé d’autonomie de Hongkong et d’avoir un effet préjudiciable sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’Etat de droit », a pour sa part déclaré le président du Conseil européen, Charles Michel. Pékin risque de « subir des conséquences très négatives, notamment sur la confiance des entreprises, la réputation de la Chine et la perception de l’opinion publique à Hongkong et au niveau international », a de son côté déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

S’exprimant à l’ouverture de la 44e session du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies, Carrie Lam, la chef de l’exécutif hongkongais, a exhorté mardi « la communauté internationale à respecter le droit de notre pays à garantir la sécurité nationale et les aspirations à la stabilité et à l’harmonie de la population de Hongkong ».

Pékin a plusieurs fois accusé des pays occidentaux de jeter de l’huile sur le feu dans le territoire en soutenant les manifestants. Un « organe de sécurité nationale », relevant directement du régime chinois, devrait par ailleurs être institué à Hongkong, selon Chine nouvelle. Il serait chargé de collecter des informations et de poursuivre les atteintes à la sécurité nationale.

L’idée de confier à un organisme du pouvoir communiste des prérogatives dans le territoire autonome inquiète fortement l’opposition locale. Car la séparation des pouvoirs n’existe pas en Chine continentale, dirigée par le PCC. Depuis sa rétrocession, Hongkong jouit d’une large autonomie, en vertu du principe « Un pays, deux systèmes ». Les Hongkongais bénéficient ainsi de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et d’une justice indépendante.

© Le Monde avec AFP

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