Dijon : après quatre nuit de troubles et d’expéditions punitives, l’Etat promet « une réponse extrêmement ferme »

Le secrétaire d’Etat Laurent Nunez s’est rendu sur place pour annoncer un renforcement policier pour la nuit à venir, après de nouveaux incidents.

Les tensions étaient toujours vives, mardi 16 juin, à Dijon, où s’est rendu Laurent Nunez. Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur a promis « une réponse extrêmement ferme » aux incidents qui ont secoué la ville ces derniers jours et annoncé un nouveau renforcement du dispositif policier pour la nuit à venir.

« Je veux passer un message très clair aux voyous que nous avons vu exhiber des armes, aux individus qui sont venus commettre ici des violences à Dijon : notre réponse sera extrêmement ferme », a-t-il dit à sa sortie du commissariat. Mardi soir, « il y aura à Dijon deux unités de forces mobiles », soit près de 150 fonctionnaires ou militaires de la gendarmerie en plus des effectifs locaux, a-t-il ajouté, précisant qu’« ils seront présents autant de fois qu’il le faudra ».

Depuis quatre nuits, Dijon est en proie à des tensions dans une ville peu habituée à ce genre de troubles. Tout a commencé par l’agression, le 10 juin, d’un adolescent issu de la communauté tchétchène. Des expéditions punitives « totalement inédites » ont, ensuite, été menées ce week-end dans le centre-ville et dans le quartier sensible des Grésilles par des membres de cette communauté et un gérant de pizzeria a été grièvement blessé par balles.

« Je comprends que la population ait été traumatisée par ces faits »

PHILIPPE DESMAZES / AFP

Lundi, de nouveaux incidents ont éclaté dans le quartier des Grésilles, mais sans implication de Tchétchènes, selon les premières constatations. Des véhicules et des poubelles ont été brûlés, une équipe de France 3 Bourgogne a été agressée, ainsi qu’un conducteur, selon la préfecture. Quatre personnes ont été interpellées. Les forces de l’ordre ont dispersé lundi soir un attroupement d’hommes cagoulés et visiblement armés voulant défendre leur quartier contre les intrusions des nuits précédentes.

« Je comprends que la population ait été traumatisée par ces faits. » Les Dijonnais ont « droit à la sérénité, tranquillité et sécurité », a insisté Laurent Nunez, en laissant entendre que l’enquête progressait. « Il y a des pistes », a-t-il assuré. Le secrétaire d’Etat s’est dit « très fier » de l’action des forces de l’ordre depuis vendredi, saluant leur « courage » et leur « détermination »« Les forces de l’ordre ne sont pas restées en retrait ; c’est complètement inexact » Dans le droit fil du discours d’Emmanuel Macron, dimanche soir, M. Nunez a réaffirmé que les forces de l’ordre étaient, pour lui, « les garantes de notre ordre républicain », dans un contexte de défiance et de manifestations en France et dans le monde contre les violences policières.

Dans la nuit, le préfet de Bourgogne – Franche-Comté, Bernard Schmeltz, s’était déjà défendu de tout laxisme. « Encadrer et encercler pour éviter les exactions : c’était la seule stratégie praticable », avait-il déclaré. « Les populations n’ont, en aucun cas, été abandonnées », a-t-il assuré, après des interrogations sur la passivité des forces de l’ordre lors des trois expéditions punitives menées vendredi, samedi et dimanche soir par des Tchétchènes voulant venger l’agression d’un des leurs.

« La police n’a pas les moyens de son action »

PHILIPPE DESMAZES / AFP

Le maire socialiste sortant de Dijon, François Rebsamen, a dénoncé le manque de moyens des policiers, face à quelque deux cents Tchétchènes, munis de barres de fer, battes de baseball et, parfois, d’armes à feu. « Puisque la justice passe trop tard et que la police n’a pas les moyens de son action, la communauté tchétchène est venue faire respecter elle-même son droit », a analysé le maire, en campagne pour un quatrième mandat.

Face à ces groupes, imposants et lourdement armés, les forces de l’ordre étaient en sous-nombre avant l’arrivée des renforts lundi, souligne une source policière. « Le choix de ne pas aller au contact s’explique aussi par la présence de bandes avec du vrai armement et le risque d’aller au clash et de surajouter de la tension. En face, il y a deux cents ou trois cents personnes qui ne se laisseront pas interpeller. Le rapport de forces n’était pas favorable avec les effectifs policiers présents initialement à Dijon », a précisé cette source à l’AFP.

« Certains vont vouloir faire porter la responsabilité de la situation à la police nationale », regrette David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-UNSA). Mais « en face, il y a des gars, nombreux, qui paradent avec des armes réelles », a-t-il souligné.

Pour le syndicaliste, les événements de Dijon répondent aux critiques sur le surarmement de la police.

« La semaine dernière, des politiques appelaient à désarmer la police (dans le contexte de dénonciation des violences policières). Avec la situation de Dijon, on a la démonstration que les choses ne peuvent pas être si simples. »

La polémique s’est vite placée sur le terrain politique, Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) pointant « le chaos » tandis qu’Eric Ciotti (LR) évoquait « presque un théâtre de guerre ». La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, se rend mardi après-midi à Dijon où elle doit tenir une conférence de presse à 16 h 30, a annoncé son parti.

Et à Dijon, on craint que les scènes du week-end ne déclenchent un embrasement des banlieues. A Chenôve, commune à la périphérie de la ville, dix-huit véhicules ont été brûlés dans la nuit de lundi à mardi, a fait savoir le maire, Thierry Falconnet. « Je ne comprends pas comment on peut laisser une situation partir de la sorte, avec des renforts policiers conséquents déployés sur le territoire », a-t-il expliqué sur France Bleu Bourgogne. « Nous avons demandé des moyens conséquents pour nos quartiers, ça n’a pas été entendu », a-t-il regretté.

© Le Monde avec AFP