Aléna: le climat se tend après deux mois de négociations

Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont reconnu mardi que les discussions sur la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) étaient ardues et se poursuivraient l’année prochaine.

«Nous ne voyons pas d’indication sur le fait que nos partenaires sont disposés à procéder à un quelconque changement qui se traduirait par un rééquilibrage et une réduction de colossaux déficits commerciaux», a commenté le représentant américain du Commerce Robert Lighthizer lors d’une conférence de presse conjointe à l’issue d’une quatrième session de discussions à Arlington près de Washington.

Les États-Unis jugent l’Aléna responsable de leur déficit commercial avec le Mexique qui s’élève à plus de 64 milliards de dollars. Et, le président Donald Trump a fait de la résorption de ce déficit une priorité.

«Nous avons constaté une série de propositions peu conventionnelles qui rendent notre travail bien plus difficile», a réagi de son côté la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland, visant en particulier une proposition sur le mécanisme de règlement des litiges.

Celui-ci permet d’arbitrer les différends en matière de droits compensateurs et de dumping.

Les États-Unis entendent supprimer ce dispositif qui, jusqu’à présent, a été favorable au Canada, notamment sur le contentieux du bois de construction.

Ce litige a connu de nombreux rebondissements depuis 1983, les producteurs américains accusant leurs homologues canadiens d’exporter ce bois aux Etats-Unis à un prix de dumping, c’est-à-dire inférieur aux coûts de production.

Sur cette question, les Canadiens ont le soutien des Mexicains qui souhaitent eux aussi son maintien.

«Nous devons reconnaître que nous avons encore beaucoup de travail», a renchéri le ministre mexicain de l’Économie Ildefonso Guajardo Villarreal, qui a jugé «totalement inacceptables» certaines propositions dont celle d’ajouter une clause dite «sunset» permettant de mettre fin à l’Aléna au bout de cinq ans.

Face aux difficultés, «des sessions de négociations vont être programmées au premier trimestre 2018», a annoncé Robert Lighthizer alors que les trois parties ambitionnaient initialement de terminer d’ici la fin de l’année.

Travailler ensemble

Les négociateurs sont en outre convenus de se laisser davantage de temps avant la prochaine rencontre qui se déroulera à Mexico du 17 au 21 novembre prochain.

Mme Freeland a invité les négociateurs à revenir à la table des négociations avec des idées «fraiches, créatives, innovantes», soulignant la «réelle opportunité» de parvenir à un nouvel accord «gagnant-gagnant-gagnant».

«Continuons de travailler ensemble», a exhorté de son côté le ministre mexicain dont le pays est fortement dépendant de l’Aléna.

LeTraité de libre-échange nord-américain / © AFP / John SAEKI, Marimé BRUNENGO

 

La quatrième session s’est déroulée dans un climat particulièrement tendu entre Washington et Ottawa sur le dossier aéronautique.

À quelques heures de la fin de ces discussions, le constructeur aéronautique canadien Bombardier a accepté de s’allier avec l’avionneur européen Airbus, rival historique de l’américain Boeing, dans le segment des appareils moyen-courriers.

C’est un soutien crucial apporté au programme CSeries de Bombardier en difficulté et cible de l’administration Trump qui entend lui imposer des droits compensatoires et taxes antidumping pouvant atteindre quelque 300% sur ses appareils livrés aux États-Unis.

Pour soutenir les ventes du CSeries, les deux avionneurs projettent d’installer une ligne d’assemblage à Mobile (Alabama, Sud) où Airbus est déjà implanté, avec en ligne de mire le marché américain.

Cette alliance est une forme de pied de nez à Donald Trump qui dénonce l’Aléna comme un accord destructeur d’emplois américains et qui entend «faire revenir les emplois aux États-Unis».

Parmi les autres sujets de contentieux entre les deux pays nord-américains le système canadien de «gestion de l’offre» pour le lait, les oeufs et la volaille, défendu par le Premier ministre canadien Justin Trudeau.

«Les représentants américains ont demandé la fin des tarifs et des quotas d’ici à dix ans», rapporte la presse canadienne.

«Nous allons nous battre pour préserver ce système. Tout accord qui proposerait autre chose n’est pas une option», a réagi le ministre canadien de l’Agriculture Lawrence MacAuley, cité par Radio Canada.

Ce système de quotas et de contrôle des prix assure aux producteurs de ces aliments un revenu stable malgré les fluctuations des marchés tout en assurant une stabilité des prix pour les consommateurs.

©AFP