L’opposition marque des points au Venezuela

Plus de 7 millions de citoyens auraient rejeté, lors d’une consultation symbolique, l’Assemblée constituante que le gouvernement socialiste veut faire élire dans deux semaines.

L’opposition vénézuélienne a proclamé avoir réuni plus de 7 millions de votants dimanche lors d’un vote purement symbolique contre la dernière décision du président Nicolas Maduro : l’élection le 30 juillet d’une Assemblée constituante. Pendant ce temps, le gouvernement socialiste faisait une répétition générale dans 600 bureaux, deux semaines avant ce scrutin. La démonstration de force de l’opposition a infiniment plus de poids que le test réalisé par le camp présidentiel. Même si le chiffre de 7,1 millions de votants est invérifiable, les Vénézuéliens sont se sont rendus en masse dans les universités, où les urnes avaient été disposées. L’opposition, dont le large éventail va de la droite ultralibérale à une fraction de la gauche déçue par Maduro, est gonflée à bloc par le résultat. C’est pour elle une nouvelle victoire après la libération le 8 juillet de Leopoldo Lopez, un de ses responsables, autorisé à purger à son domicile, pour raisons de santé, la lourde peine dont il a écopé en 2015 : 13 ans et 6 mois de prison.

Prison à domicile

Lopez, 46 ans, a le même traitement qu’Antonio Ledezma, 62 ans. Autre figure de proue des antichavistes, l’ancien maire du Grand Caracas avait été lui aussi autorisé à purger à son domicile une condamnation pour tentative de putsch. Les deux hommes ont voté dimanche par procuration et se sont exprimés publiquement, ce qu’ils n’ont en principe pas le droit de faire. L’autre opposant le plus en vue, Henrique Capriles, n’est pas autorisé à quitter le pays et a été déclaré inéligible pour 15 ans sous l’accusation d’«irrégularités» dans la gestion de l’Etat de Miranda, dont il est le gouverneur élu.

Le succès du référendum légitime le refus des antichavistes de l’Assemblée constituante qui, si les élections du 30 juillet ont bien lieu, devra accoucher d’une nouvelle charte, effaçant celle que Hugo Chavez avait impulsée en 1999, l’année de son arrivée au pouvoir. Convoquer une nouvelle assemblée n’obéirait, selon les opposants, qu’à la volonté de Maduro de retarder des échéances électorales qu’il est, selon les sondages, certain de perdre. Le référendum révocatoire, voulu par la MUD, est juridiquement enlisé, et les élections des gouverneurs et des maires ont été reportées au 10 décembre prochain, un an après leur échéance. La présidentielle aurait lieu trois mois plus tard, en mars 2018.

Inflation et pillages

La fuite en avant du régime semblait dictée par l’espoir que la remontée des cours du baril de pétrole améliorerait les rentrées de dollars et permettrait aux produits alimentaires et aux médicaments importés de revenir dans le quotidien des Vénézuéliens. Cette hypothèse n’est plus crédible. L’inflation continue de galoper, et les pénuries ont provoqué des pillages d’entrepôts par une population exaspérée. Le bras de fer entre pouvoir et opposition se poursuit, avec des épisodes aussi violents que l’assaut contre l’Assemblée nationale, acquise aux opposants, le 5 juillet, par des groupes de chavistes armés qui ont brutalisé députés et personnel.

L’opposition a annoncé par la voix de Henrique Capriles qu’elle ne participera pas au scrutin de la constituante, qu’elle considère comme une fraude : selon elle, le président ne peut que proposer au peuple de convoquer une nouvelle assemblée, en aucun cas l’imposer. Et les manifestations tous les deux ou trois jours risquent de se poursuivre. Avec un bilan qui approche la centaine de morts, elles ont fait plier le régime mais n’ont pas suscité son éclatement. La même stratégie en 2014 avait abouti au même échec : une quarantaine de morts et aucune porte de sortie.

Parmi les axes de réflexion de la prochaine charte figure «la quête d’un système économique post-pétrolier». Une préoccupation tardive dans un pays qui, historiquement, a vécu de sa rente pétrolière et dépensé sans compter en oubliant de développer une industrie de substitution des importations. Une faute partagée par la droite de jadis et la gauche d’aujourd’hui.

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