Trump-Poutine, premier rendez-vous sous haute tension au G20

Après des mois d’échanges tumultueux sur des dossiers explosifs, les présidents américain et russe se mesureront directement vendredi à Hambourg.

Après les démonstrations d’amitié de « l’âme de l’Europe » à Varsovie, Donald Trump s’aventure ce vendredi en terrain plus miné. Le défenseur de l’Occident chrétien et capitaliste, applaudi en Pologne, s’expose à une autre ambiance à Hambourg, où il est conspué par la rue en colère et isolé face aux dirigeants du G20 sur les enjeux du commerce et du climat. En marge du sommet, il peut s’attendre à des discussions délicates avec la chancelière allemande Angela Merkel ou le président chinois Xi Jinping. Surtout, son voyage sera dominé par sa première rencontre avec Vladimir Poutine, dans un contexte particulièrement chargé.

Après s’être réjoui durant la campagne que le président russe lui trouve « du génie », Trump a décrit en avril une relation «au plus bas historique »

Voilà bientôt deux ans que ces deux hommes au tempérament macho et à l’ego sensible se livrent à une danse de Saint-Guy. Après s’être réjoui durant la campagne que le président russe lui trouve « du génie », avoir fait miroiter une « merveilleuse entente » pour réduire en cendres le groupe État islamique, Trump a décrit en avril une relation «au plus bas historique », dans la foulée de tirs de missiles américains contre l’armée syrienne soutenue par Moscou. En parallèle, une enquête fédérale le harcèle pour des soupçons non démontrés de collusion avec le Kremlin, limitant sa marge de manœuvre. « Il ne peut pas sortir de la réunion en proclamant : nous sommes amis, l’ennemi, c’est l’État profond et les médias », note Michael McFaul, ancien ambassadeur américain à Moscou.

Donald Trump n’en garde pas moins son admiration envers « l’homme fort » Poutine, au pouvoir depuis dix-sept ans. « Le président m’a demandé d’entamer le processus de réengagement avec la Russie, a expliqué en juin le secrétaire d’État, Rex Tillerson. Il a été très clair : le contexte politique (aux États-Unis) ne doit pas entraver cette relation. » Un désir de coopération -et un échec- partagé par ses trois prédécesseurs. Les responsables ayant eu affaire à Poutine voient cette soif d’amitié comme une faiblesse, renforcée par la réputation d’impréparation de Trump. Un « épais dossier » a été remis au chef de la Maison-Blanche, contenant notamment un « profil psychologique détaillé » de son homologue, établi par les agences de renseignement. Mais, comme le destinataire n’aime pas beaucoup lire, on lui a résumé les points clés en formules «de la taille d’un tweet ».

« Un maître de la manipulation »

La partie américaine avance « sans agenda spécifique », selon le conseiller à la sécurité nationale H. R. McMaster: « La discussion portera sur ce que voudra le président. » Cela aussi inquiète les experts : « Poutine sera très bien préparé pour cette rencontre, prévient Derek Chollet, ancien secrétaire adjoint à la Défense. Et c’est un maître de la manipulation. » John Herbst, ancien ambassadeur en Ukraine, rappelle que « Poutine fut et reste un officier du KGB, expert dans l’art de la persuasion ». En l’espèce, estime-t-il, l’objectif du président russe serait de convaincre Trump que la Russie ne représente pas un danger et que l’Otan n’est « pas aussi important » que le prétendent ses conseillers. « Je crains que Poutine ne se joue de lui, renchérit Evelyn Farkas, ex-responsable de la Russie et de l’Ukraine au Pentagone. Notre président semble réceptif aux compliments et à la flatterie, et Poutine paraît avoir très bien saisi sa psychologie. »

« Notre président semble réceptif aux compliments et à la flatterie, et Poutine paraît avoir très bien saisi sa psychologie »

Evelyn Farkas, ex-responsable de la Russie et de l’Ukraine au Pentagone

Pour les rassurer, Fiona Hill, chargée de la Russie au Conseil de sécurité nationale, auteur d’un livre sans concession sur Poutine, fait partie du voyage. C’est à elle qu’il est échu de « briefer oralement » ce président qui, s’il n’aime pas lire, aime écouter. Ses déclarations, jeudi en Pologne, sur le « comportement déstabilisateur » de la Russie ont été jugées encourageantes à Washington. Le Congrès, en particulier, dominé par un fort sentiment antirusse dans les deux Chambres, attend que le président dise son fait à Poutine sur ses interférences dans la campagne présidentielle -dont Trump ne semble qu’à moitié convaincu, soucieux avant tout de ne pas ternir sa victoire. La Maison-Blanche ne s’est d’ailleurs pas engagée sur ce point : si Trump l’évoque, «il ne devrait pas s’appesantir », dit un conseiller. Pas plus que sur le respect des droits de l’homme en Russie ou en Tchétchénie, soulignant le contraste avec le duo Macron-Poutine à Versailles.

« Je m’attends à un niveau olympien de postures machistes entre ces deux dirigeants qui comprennent la puissance des symboles », prédit Derek Chollet. Au-delà des postures, des dossiers lourds les attendent, qu’ils ne devraient qu’effleurer: la Syrie, où plane une menace de confrontation directe et où, dans une déclaration mercredi soir, Rex Tillerson a paru proposer une partition implicite en zones d’influence; l’Ukraine, singulièrement absente des trois conversations téléphoniques entre les deux hommes jusqu’ici, alors que la Maison-Blanche s’efforce de ralentir de nouvelles sanctions du Congrès contre Moscou; enfin la Corée du Nord, à laquelle Trump a promis mercredi de s’opposer «très fermement» après le test d’un missile intercontinental, mais où Poutine fait équipe avec la Chine, prônant le dialogue tout en œuvrant contre les sanctions.

Source lefigaro