« Grand Européen », « ami de la liberté », « mentor »… les hommages à Helmut Kohl

Des responsables politiques saluent la mémoire du père de la réunification allemande et pilier de la construction européenne, mort chez lui en Allemagne.

C’est Bild qui a été le premier à donner l’information. « L’ancien chancelier Helmut Kohl est mort ce matin chez lui à Ludwisghafen », en Rhénanie-Palatinat, a alerté le tabloïd conservateur, vendredi 16 juin, peu après 17 heures. Il a fallu ensuite attendre plusieurs minutes pour que les principaux médias allemands, cherchant à confirmer une nouvelle dont ils n’avaient pas eu la primeur, la reprennent à leur tour.

Puis les éditions spéciales se sont enchaînées, radios et télévisions ont interrompu leurs programmes, replongeant le pays à la fin du siècle dernier, convoquant les mots d’une époque révolue – « euromissiles », « deutschemark », « guerre froide »… – et ressuscitant des visages – Mitterrand, Gorbatchev, Bush père… – que l’on avait rangés depuis longtemps dans les livres d’histoire.

C’est un peu après 19 heures et depuis Rome, où elle devait être reçue par le pape François samedi midi, qu’Angela Merkel a célébré la mémoire de son prédécesseur, chancelier de 1982 à 1998. Veste noire, visage fermé et voix étouffée, elle a d’abord usé de formules un peu convenues pour saluer la mémoire d’un « grand Allemand » et d’un « grand Européen ».

A la fin de son allocution, qui a duré cinq minutes, elle s’est néanmoins autorisé quelques phrases plus personnelles : « Helmut Kohl a changé ma propre vie de façon décisive. Comme des millions d’autres, j’ai pu passer d’une vie au sein de la dictature de la République démocratique allemande à une vie de liberté. Dès lors, j’ai pu vivre sans la peur d’un Etat qui voulait tout contrôler. Tout ce qui s’est passé depuis [les] vingt-sept ans [qui se sont écoulés depuis la réunification] aurait été impensable sans Helmut Kohl », a-t-elle déclaré, qualifiant ce dernier de « chance pour nous, les Allemands ». Mme Merkel, qui a grandi en RDA, a entamé sa carrière politique lors la réunification allemande de 1990. Le chancelier l’avait pris sous son aile. Elle finira par l’évincer en 1999 pour lui succéder à la tête de son parti conservateur, la CDU, à l’issue d’une bataille interne.

« Un citoyen de l’Europe »

Au fil des heures, des hommages du monde entier sont venus s’ajouter à celui de la chancelière. Il était l’« essence même de l’Europe », a réagi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. « La mort d’Helmut me peine profondément. Mon mentor, mon ami, l’essence même de l’Europe. Il va grandement, grandement, nous manquer », a écrit le Luxembourgeois sur le réseau social Twitter

M.Juncker a également salué la mémoire de l’homme sans qui « il n’y aurait pas d’euro ».

L’un des plus illustres prédécesseurs de M. Juncker, le Français Jacques Delors, a également célébré « un citoyen de l’Europe ». « Tous les Européens doivent s’incliner devant l’homme Helmut Kohl et son action qui a inspiré et mis en œuvre l’unification de l’Allemagne, en dépit des obstacles de toute nature », a-t-il déclaré.

Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a, quant à lui, évoqué « un ami et un homme d’Etat qui a aidé à réunifier l’Europe ».

« Artisan de l’Allemagne unie »

Dans un communiqué diffusé en français, en anglais et en allemand – une première –, le président français, Emmanuel Macron, a salué un « réformateur », un « visionnaire » et un « unificateur » ayant « marqué notre histoire collective » puis de remercier « l’artisan de l’Allemagne unie et de l’amitié franco-allemande » sur Twitter.

Le premier ministre belge, Charles Michel, a également qualifié l’ancien chancelier de « véritable Européen ». Son homologue luxembourgeois, Xavier Bettel, a lui salué « un grand homme d’Etat » et son action, à la fois pour l’Allemagne et pour l’Europe.

Outre-Atlantique, l’ancien président américain George H. W. Bush a rendu un hommage appuyé, saluant « un vrai ami de la liberté » et « l’un des plus grands leaders de l’Europe d’après-guerre ». « Helmut était un roc, à la fois stable et fort », a souligné dans un communiqué le 41e président des Etats-Unis, au pouvoir (1989-1993) au moment de la réunification allemande.

Ce n’est que dans la nuit, en revanche, que Donald Trump a réagi à son tour. « Le monde a profité de sa vision et de son action. Son héritage continuera de vivre », a-t-il déclaré dans un communiqué, alors que le silence de la Maison Blanche commençait à être pointé avec insistance sur les réseaux sociaux.

« Bild » révérencieux

« Helmut Kohl était la personnification d’une Allemagne unie dans une Europe unie », a fait écho le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, sur Twitter.

Le secrétaire général de l’ONU et ancien premier ministre portugais, Antonio Guterres, se dit quant à lui « très affecté » par le décès d’« un ami personnel », d’après le porte-parole de l’organisation Stéphane Dujarric.

En Allemagne, la plupart des journaux célèbrent largement la mémoire de Helmut Kohl dans leur édition de samedi matin. « L’Allemagne pleure son ancien chancelier, architecte de l’unité et grand européen », a par exemple titré le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, qui lui a consacré six pleines pages. Premier à annoncer sa mort, la veille, le tabloïd conservateur Bild est aussi celui qui lui a rendu l’hommage le plus long et le plus révérencieux : neuf pages au total et une « une » entièrement remplie par une photo en noir et blanc de l’ancien chancelier, avec ce titre : « Merci Helmut Kohl. »

Source lemonde