Affaire russe : Trump s’est mêlé de l’enquête visant Michael Flynn

L’ancien chef du FBI a déclaré au Congrès que Donald Trump lui a demandé d’abandonner l’enquête sur son ex-conseiller à la sécurité nationale.

L’affaire fait scandale depuis plusieurs semaines outre-Atlantique, et le témoignage très attendu de James Comey pourrait donner un nouveau tournant à la polémique. L’ancien chef du FBI, limogé par le président américain, a confirmé dans une déclaration écrite au Congrès publiée mercredi, que Donald Trump lui a demandé d’abandonner l’enquête sur Michael Flynn, son ancien conseiller à la sécurité nationale mêlé à l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection. Racontant une rencontre en tête à tête le 14 février dernier dans le Bureau ovale, James Comey écrit que Donald Trump lui a parlé de l’enquête sur Michael Flynn, son ex-conseiller à la sécurité nationale, et déclaré : «J’espère que vous pourrez trouver une façon d’abandonner cela, de lâcher Flynn. C’est un homme bien».

Selon James Comey, cette requête concernait toute investigation relative aux «fausses déclarations de Michael Flynn concernant ses conversations avec l’ambassadeur russe en décembre», et non l’enquête plus large sur l’éventuelle collusion entre la Russie et la campagne du républicain. «C’était toutefois très inquiétant, étant donné le rôle du FBI comme service d’investigations indépendant», écrit James Comey. Michael Flynn est accusé d’avoir menti au vice-président en ne révélant pas qu’il avait évoqué les sanctions américaines contre Moscou dans ces échanges.

«Un silence gênant»

L’ancien chef du FBI raconte aussi en détails un dîner à la Maison Blanche du 27 janvier, lors duquel Donald Trump lui aurait dit : «J’ai besoin de loyauté, je m’attends à de la loyauté». «Je n’ai pas bougé, parlé ou changé l’expression de mon visage», écrit l’ancien grand policier, décrivant «un silence gênant». Et quand le président, en fin de repas, l’a relancé sur la question de la loyauté, James Comey a répondu qu’il «aurait toujours de l’honnêteté de sa part». «C’est ce que je veux, de la loyauté honnête», a dit Donald Trump. «J’ai fait une pause et dit : ‘cela, vous l’aurez'».

Cette déclaration de sept pages a été publiée par la commission du Renseignement du Sénat, où l’ancien chef du FBI témoignera lors d’une audition publique jeudi matin, devant les caméras du monde entier. Il y confirme également qu’il a consigné à l’époque dans des notes le contenu de ses conversations avec le président américain, comme l’avaient rapporté plusieurs médias.

Deux autres coups de fil ont également eu lieu entre les deux hommes, le 30 mars et le 11 avril. Dans ces conversations, le locataire de la Maison Blanche a demandé au patron du FBI ce qui pouvait être fait pour «lever le nuage» de l’enquête russe, dont l’ombre l’empêcherait d’agir efficacement au nom du pays, selon ce récit. L’ex-policier a alors confirmé que le président lui-même n’était pas visé par l’enquête. «Il m’a dit à de nombreuses reprises : ‘Nous devons révéler ce fait'», écrit James Comey.

«Le président a ajouté que si certains de ses proches ‘satellites’ avaient fait quelque chose de mal, ce serait bien de le découvrir, mais qu’il n’avait rien fait de mal et qu’il espérait que je trouve une façon de dire que nous n’enquêtions pas sur lui», poursuit-il. «Je lui ai dit que je verrais ce que nous pourrions faire». Dans le coup de téléphone d’avril, le président l’a relancé.

«Empêcher toute communication directe»

Le récit de James Comey est frappant par la description sans équivoque du malaise suscité par les requêtes à répétition du président. Après son tête-à-tête du Bureau ovale, que le président avait préalablement vidé de tous ses conseillers, James Comey a «imploré» le ministre de la Justice Jeff Sessions «d’empêcher toute future communication directe entre le président et moi».

Ces faits minutieusement détaillés confirment des informations de presse publiées depuis le limogeage soudain du 9 mai, et qui avaient conduit plusieurs élus du Congrès à soupçonner une tentative d’entrave à la justice et, pour quelques uns, à réclamer l’ouverture d’une procédure de destitution. Afin de protéger l’indépendance de l’enquête du FBI sur la Russie et une éventuelle collusion avec les équipes de campagne Trump, la Justice a nommé un procureur spécial, Robert Mueller, le 17 mai.

Les réactions ont commencé à tomber mercredi quelques minutes après la publication du document. «Toute cette histoire est folle», a tweeté la sénatrice Elizabeth Warren. A l’inverse, le parti républicain a fait valoir que trois fois, en janvier et en mars, James Comey avait confirmé à Donald Trump ce que celui-ci clame haut et fort depuis des mois : à savoir qu’il n’est pas lui-même visé par les investigations russes.

©AFP