Sibeth Ndiaye : une étoile dans la galaxie Macron

PORTRAIT. Nommée chef du service de presse de l’Élysée, cette Franco-Sénégalaise dit beaucoup du regard du président Macron sur le mérite en France.

Permettre à chacun dans la société d’avoir toutes les chances de s’accomplir à l’ombre de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », voilà l’une des lignes de force de la pensée d’Emmanuel Macron qui se voit concrétisée par la confiance accordée à Sibeth Ndiaye. Petit rappel en écho aux déclarations du candidat Macron pendant la campagne électorale. La France est riche de sa pluralité construite au fil des siècles par la conjugaison entre l’existant originel français et les apports extérieurs, a martelé Emmanuel Macron en opposition à la vision soutenue par Marine Le Pen, candidate du Front national. Est-ce cette approche qui fait de la France ce pays si particulier au destin universel, ce pays que des étrangers désireux d’en être les citoyens sont prêts à défendre au péril de leur vie au sein de la Légion étrangère ?

Une discrète omniprésence

On l’aura compris, Emmanuel Macron, pur produit d’un parcours républicain, voit d’abord dans tout Français un homme, une femme, un(e) compatriote. Peu lui importe d’où il vient, d’où elle vient, ce qu’il est, ce qu’elle est, ce en quoi il croit, ce en quoi elle croit tant que cela ne va pas à contre-courant des valeurs de la République. Dès lors, l’engagement, la compétence, le sérieux et, bien sûr, un certain humanisme priment tout. À l’issue de la diffusion le lundi 8 mai, au lendemain du second tour de l’élection présidentielle, du documentaire de Yann L’Hénoret Les Coulisses d’une victoire, beaucoup de téléspectateurs ont remarqué cette autre femme à côté d’Emmanuel Macron. « Remarqué » parce qu’elle a crevé l’écran par sa discrète omniprésence, sa proximité avec le tout nouveau président, son attitude pleine de maîtrise professionnelle, et aussi, il faut bien le dire, sa visible origine africaine. Dans les hautes sphères politiques, il n’est en effet pas si courant de voir des représentants de la minorité visible.

Une belle expérience des cabinets

Sibeth Ndiaye, puisque c’est comme cela qu’elle s’appelle, est désormais chef du service de presse de l’Élysée après avoir assuré les relations presse d’En marche ! et du candidat Macron. Née à Dakar, au Sénégal, Sibeth Ndiaye a connu une enfance tranquille et studieuse dans une famille où la politique et le droit se le disputaient. Entre un père, Fara Ndiaye, cofondateur et ancien numéro deux du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Me Abdoulaye Wade, président du Sénégal de 2000 à 2012, et une mère métisse germano-togolaise, Mireille Brenner, magistrate qui a fini sa carrière comme présidente du Conseil constitutionnel du Sénégal, elle a pu suivre les cours de l’institution Jeanne-d’Arc de Dakar, avant de s’envoler en 1995 pour Paris où, au lycée Montaigne, elle a décroché son bac scientifique. À 37 ans, cette diplômée en économie de la santé (DESS) de l’université Panthéon-Sorbonne connaît bien le monde de la politique. Ancienne responsable du service de presse de Claude Bartolone, actuel président de l’Assemblée nationale française, alors président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, et de celui d’Arnaud Montebourg lors de son passage au ministère de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, c’est à Bercy, où elle est restée après le départ de Montebourg, que cette ancienne du syndicat étudiant Unef, réputé proche du Parti socialiste, s’est mise à travailler pour Emmanuel Macron passé entre-temps du secrétariat général adjoint de la présidence de la République au ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.

Comment en est-elle arrivée là ?

Tout, pour cette native de Dakar, est parti de ce qu’elle a perçu comme un séisme politique : la qualification le 21 avril 2002 de Jean-Marie Le Pen, leader du Front national, au second tour de la présidentielle. Pas étonnant pour celle qui s’est engagée dans le syndicalisme étudiant afin de « changer les choses de manière concrète », comme elle l’a confié à l’hebdomadaire Jeune Afrique dans un entretien en avril 2017. La voilà donc qui adhère au Parti socialiste, dont elle deviendra en 2009 la secrétaire nationale chargée de la petite enfance.

Le cheminement avec En marche !

Son aventure avec En marche ! commence le 5 avril 2016, la veille du lancement du mouvement, quand Emmanuel Macron en parle à son équipe du cabinet. « Il avait souhaité séparer strictement les activités d’En marche ! de celles du cabinet… » confie Sibeth Ndiaye, qui ne s’est pas fait prier pour suivre Emmanuel Macron. « Ce qui m’a séduite, c’est la volonté de transcender les clivages existants, la tentative audacieuse pour essayer autre chose et le sentiment que ça ne pouvait plus continuer comme avant », confie celle pour qui « ce qui compte, c’est la personnalité et l’envie de faire ».

La proximité avec Macron

D’Emmanuel Macron elle se rappelle la première rencontre. « Il était secrétaire général adjoint et je travaillais pour Arnaud Montebourg. Il était d’un abord agréable, avec beaucoup d’humour », explique-t-elle. Alors, que pense-t-elle de lui maintenant qu’elle le connaît mieux ? « C’est quelqu’un de très libre et qui cherche en permanence à questionner le monde », souligne-t-elle. Un homme « délicat », aussi. « Je me rappelle toujours avec émotion qu’au décès de ma mère il avait eu la délicatesse de m’offrir un livre de Roland Barthes, Journal de deuil. Il m’a servi de livre de chevet pendant de longs mois », précise-t-elle.

L’adhésion à la République française

Sénégalaise d’origine, Sibeth Ndiaye n’est devenue française qu’en juin 2016, ayant « mis beaucoup de temps à [s]e décider ». C’est que notre trentenaire a encore une grande partie de sa famille au Sénégal. À Jeune Afrique, Sibeth Ndiaye a ainsi confié que « l’aînée de [s]es trois sœurs » vit au Sénégal. « Les autres vivent dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, au Togo, dont est originaire ma mère, et au Nigeria », a-t-elle poursuivi, qualifiant les membres de sa famille de « globe-trotteuses ».

Comprenant parfaitement le wolof, la langue la plus courante au Sénégal, Sibeth Ndiaye n’en garde pas moins une vraie ambition hexagonale. Va-t-elle participer aux prochaines législatives ? Sibeth Ndiaye ne le dit pas. « Être élu n’est pas l’alpha et l’oméga de l’engagement politique », indique celle qui se refuse à disserter sur son rôle futur auprès d’Emmanuel Macron. « C’est à lui de vous le dire, pas à moi », déclare-t-elle.

Alors, un parcours de modèle ?

En attendant, à son corps défendant, Sibeth Ndiaye apparaît déjà à certains à la fois comme un symbole, un modèle. De quoi ? Elle-même ne le sait pas vraiment. « Je ne me vis pas du tout comme un modèle. Ma carrière professionnelle s’est surtout construite autour de belles rencontres, avec des gens qui ont su me faire confiance, et j’ai toujours essayé d’être digne de cette confiance », explique-t-elle. Et de poursuivre : « Cela me pousse à penser qu’il suffit de tomber sur la ou les bonnes personnes, celles qui ne voient pas votre couleur de peau, votre origine sociale ou votre seul parcours scolaire, pour que tout change. »

Il faut croire que l’équipe d’Emmanuel Macron, lequel est issu de la promotion Léopold Sédar Senghor (un clin d’œil du destin pour Sibeth Ndiaye ?) de l’École nationale d’administration (ENA), est bien dans cette veine de l’universel si chère à l’académicien-président-poète sénégalais.

En effet, à côté de Sibeth Ndiaye, le tout nouveau président de la République s’est entouré pendant sa campagne de talents aussi engagés que divers. Ainsi de Mounir Mahjoubi, geek de 33 ans, super diplômé et ex-président du CNNum, le Conseil national du numérique, d’origine marocaine et candidat aux législatives dans le 19e arrondissement de Paris face au premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, d’Alexandre Aidara, énarque d’origine sénégalaise de 49 ans, ancien conseiller budgétaire de l’ex-garde des Sceaux Christiane Taubira, de Laetitia Avia, d’origine togolaise, avocate de 31 ans dans un grand cabinet d’affaires et candidate aux législatives dans le 12e arrondissement à Paris, de Jean-Michel Severino, 59 ans, ancien vice-président de la Banque mondiale et ex-directeur général de l’Agence française de développement, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français du développement, de Julien Denormandie, 36 ans, ex-Monsieur Afrique d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie, du consultant Hakim El Karoui, 45 ans, d’origine tunisienne, coauteur avec Jean-Michel Severino, Hubert Védrine, Lionel Zinsou, Tidjane Thiam du rapport « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », de Lionel Zinsou, 63 ans, d’origine béninoise, ancien président du fonds d’investissement PAI Partners et ex-Premier ministre du Bénin, d’Aurélien Lechevallier, 40 ans, énarque en charge du volet international de la campagne d’Emmanuel Macron… Autant d’éléments qui posent un cadre nouveau, voire novateur, dans lequel une femme comme Sibeth Ndiaye peut évoluer en apportant toute sa richesse multiple à un pays qu’elle aime, son pays désormais : la France.

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