L’ibuprofène responsable de malformations chez les fœtus masculins

Gare à cet anti-inflammatoire en vente libre, consommé par beaucoup de femmes enceintes, qui inhibe la production de différentes hormones testiculaires.

L’alerte est sérieuse. Et la liste des médicaments déconseillés aux femmes pendant toute la durée de leur grossesse devrait encore s’allonger avec les informations publiées vendredi matin dans la revue Scientific Reports. Qui plus est, elles concernent un médicament délivré sans ordonnance et très utilisé par les femmes enceintes, l’ibuprofène. En effet, si sa consommation est contre-indiquée lors des 4 derniers mois de grossesse, près d’une femme sur dix déclare avoir pris cet anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) au cours de sa grossesse. Elles seraient en réalité trois fois plus nombreuses à en prendre en automédication, selon un communiqué de l’Inserm qui relaie cette publication.

On y apprend que les recherches menées ces dernières années avaient montré une association entre la prise d’antalgiques (paracétamol, aspirine et AINS) pendant la grossesse et la survenue d’effets indésirables chez l’enfant, notamment une prématurité, un petit poids de naissance ou encore de l’asthme. D’autres recherches ont ensuite été réalisées, en combinant l’épidémiologie et l’expérimentation in utero chez le rat, ainsi que sur des organes de rat et humains. Elles ont eu lieu à l’Irset*, à Rennes, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Copenhague. Leur résultat a été sans appel : le paracétamol et l’aspirine peuvent perturber le système endocrinien testiculaire fœtal et augmenter le risque de non-descente des testicules (cryptorchidie). C’est aujourd’hui confirmé également pour l’ibuprofène, anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS).

Grande prudence

Les chercheurs de l’Irset – avec l’appui du CHU de Rennes, de l’université de Copenhague, du Laberca de Nantes et du MRC Edinburgh – ont réalisé deux séries de tests pour étudier les effets de cet anti-inflammatoire sur le testicule fœtal humain (soit mis en culture, soit greffé sur des souris). Les chercheurs ont ainsi découvert que l’ibuprofène diminue nettement la production de testostérone et affecte la production d’une hormone qui joue un rôle clé dans la masculinisation de l’appareil génital. De plus, il réduit l’expression des gènes codant pour le fonctionnement des cellules à l’origine de la formation des spermatozoïdes. Enfin, il inhibe la production de prostaglandine E2 (produite par les testicules et pour intervenir dans de nombreux processus biologiques) et les gènes correspondants.

D’où la mise en garde de Bernard Jégou, coordinateur de cette étude, et de Séverine Mazaud-Guittot : « Il existe une fenêtre de sensibilité bien précise au cours du 1er trimestre de développement du fœtus pendant laquelle l’ibuprofène présente, semble-t-il, un risque pour le futur appareil génital et reproducteur de l’enfant. Tous les faisceaux d’indices convergent vers une grande prudence quant à l’utilisation de ce médicament pendant cette période. En outre, si on prend aujourd’hui en compte les données disponibles, il apparaît que la prise de plusieurs antalgiques pendant la grossesse représente un danger encore accru pour l’équilibre hormonal du fœtus masculin. » Conséquence pour les femmes enceintes : elles vont devoir prendre leur douleur en patience, autant que faire se peut…

Source lepoint.fr